Majorité numérique: pourquoi la loi sera difficile à appliquer?

Le Parlement a définitivement adopté ce jeudi l'obligation pour les réseaux sociaux de vérifier l'âge de leurs utilisateurs et de recueillir le consentement des parents quand ils ont moins de 15 ans, via un vote final du Sénat.
Mais pour mettre en place cette obligation, il reste à trouver ce moyen, devant à la fois respecter la réglementation européenne sur les données personnelles (RGPD) et l'impératif de protection de l'enfance.
Aucune solution jugée satisfaisante
C'est également l'objet depuis plus d'un an d'une bataille judiciaire entre le régulateur des médias, l'Arcom, et des éditeurs de sites pornographiques, tenus par la loi d'empêcher l'accès des mineurs à leur contenu. L'autorité de régulation de l'audiovisuel et du numérique doit définir les contours techniques de ce système, mais aucune solution n'est aujourd'hui entièrement satisfaisante.
Le recours aux pièces d'identité est "peu fiable" en raison du risque d'usurpation d'identité et "peu respectueux des données personnelles", selon la Cnil, gardienne de la vie privée des Français. Sans compter les critiques des défenseurs du droit à l'anonymat sur internet.
Le gouvernement avait lancé en mars l'expérimentation d'une solution de vérification d'âge dite en "double anonymat" permettant de bloquer l'accès des mineurs aux sites porno, sans qu'aucun bilan n'ait été rendu depuis.
Cette solution, qui repose sur un tiers de confiance, est souhaitée par la Cnil. Mais celle-ci a rappelé récemment qu'elle "juge acceptable" dans l'intervalle le recours à la validation de l'âge par la carte de paiement (avec une transaction à zéro euro) ou des procédés d'estimation de l'âge reposant sur l'analyse des traits du visage.
Des outils facilement contournables
Une loi récente encourage aussi l'utilisation du contrôle parental sur les smartphones, en obligeant les constructeurs à proposer l'activation de cet outil lors de la première mise en service d'un terminal. Mais il n'est pas forcément maîtrisé par les parents et peut être contourné facilement par les enfants.
Les tentatives d'imposer le contrôle de l'âge sur internet ont fait émerger dans le monde une petite industrie, qui s'est pour l'instant surtout développée sur les marchés des sites de vente d'alcool, de tabac ou de jeux d'argent.
Le consortium EUConsent, né d'un appel d'offres de la Commission européenne, vise notamment à rendre interopérables les différents acteurs afin qu'ils puissent s'échanger les vérifications déjà effectuées. Selon l'Avpa, qui réunit les fournisseurs de solutions de vérification d'âge, ce marché pourrait représenter à terme près de 4 milliards d'euros dans l'Union européenne.