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Fraude au faux conseiller bancaire: voici ce qu'il faut faire (et ne pas faire) si vous êtes victime

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La banque BNP Paribas a été définitivement condamnée à rembourser un client victime d'une arnaque au faux conseiller bancaire.

BNP Paribas devra bien rembourser les 54.500 euros dérobés par des escrocs à l'un de ses clients, en 2019. Après un long combat judiciaire, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui fera jurisprudence, et qui confirme que dans de très nombreux cas, c'est bien à la banque de rembourser les clients victimes d'escroquerie au faux conseiller bancaire.

Pour rappel, cette escroquerie, dont les victimes se multiplient chaque année, consiste à appeler sa victime en se faisant passer pour son conseiller bancaire, ou l'un des collaborateurs de ce dernier. Le scénario est souvent le même: l'escroc fait croire à la victime que son compte bancaire fait l'objet d'activités douteuses, et lui demande de supprimer les bénéficiaires de virements pour en inscrire de nouveau.

Sauf qu'en réalité, la victime remplace sans le savoir des comptes légitimes par ceux de l'escroc, qui lui demande par ailleurs, par téléphone, les numéros de sécurité reçus par SMS pour valider ces nouveaux bénéficiaires. Il accède bien souvent lui-même au compte de la victime pour effectuer ces virements, grâce au piratage de ses données par le biais de mails d'arnaque (hameçonnage).

Ne pas croire sa banque

Mais quelle est la responsabilité de la banque? Celle-ci peut refuser de rembourser un client en cas de "négligence grave", précise l'article L133-19 du code monétaire et financier. Une loi justement évoquée par BNP Paribas, estimant que le fait de répondre aux injonctions d'un tiers au téléphone et de valider soi-même des opérations constituait une négligence grave.

Mais comme le rappelle Maude Hupin, avocate en droit bancaire, auprès de Tech&Co, "aucun texte ne précise ce qu'est la négligence grave". "Ce n'est pas parce que la banque le dit que c'est vrai" tient-elle à rappeler.

C'est également l'avis de la Cour de Cassation, qui a battu en brèche l'argument de BNP Paribas, en raison de l'utilisation par les escrocs d'un logiciel de "spoofing". Très répandus, ces outils permettent en quelques clics de faire s'afficher n'importe quel numéro de téléphone. A commencer par celui de l'agence bancaire de sa victime, pour mieux la mettre en confiance.

Cet outil étant utilisé pour mettre "en confiance" et "diminuer la vigilance" de la victime, selon l'arrêt de la Cour de Cassation, il est impossible pour la banque de démontrer la négligence grave de son client.

"Si vous avez été appelé par un faux conseiller et que le numéro de votre banque est apparu sur votre téléphone, alors la banque ne peut pas dire que vous avez été gravement négligent" résume ainsi Maude Hupin.

Ne pas fournir la plainte à sa banque

Toujours auprès de Tech&Co, Maude Hupin rappelle que c'est bien à la banque de démontrer une négligence grave du client, si elle refuse de le rembourser. Et pour cela, les banques tentent parfois d'utiliser les déclarations de leur client afin qu'elles puissent se retourner contre lui, en lui demandant un dépôt de plainte, puis l'envoi de cette même plainte.

"La banque n'est jamais témoin des faits et fait croire qu'il faut produire une plainte pour se faire rembourser. C'est totalement faux. Elle est demandée par les banques pour que ça se retourne contre les clients. Il ne faut jamais transmettre la plainte à sa banque" explique Maude Hupin.

Si la jurisprudence est désormais claire - la banque doit rembourser une victime si son numéro de téléphone s'est affiché à l'écran, les banques "tentent encore bien souvent de décourager les victimes" regrette l'avocate auprès de Tech&Co. Obligeant ces dernières à aller en justice, pour récupérer des sommes qui peuvent atteindre des dizaines de milliers d'euros.

"Malheureusement, l'investissement financier peut être lourd, surtout quand on vient de se faire dérober ses économies" estime Maude Hupin, qui rappelle malgré tout qu'en cas de condamnation de la banque, les frais d'avocats de la victime peuvent également être remboursés.

Interrogée par Tech&Co concernant cette nouvelle jurisprudence, BNP Paribas estime que le remboursement de ses clients victimes d'arnaque au faux conseiller se fait "au cas par cas", même en cas de spoofing.

De son côté, la Fédération bancaire française explique ne pas avoir "de commentaire à faire au sujet d’une décision de justice, qui concerne une situation individuelle datant de 2019", rappelant avoir lancé des campagnes de prévention contre les arnaques au faux conseiller bancaire.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co