Fausses promos, produits surpayés: les mauvais conseils des influenceurs Instagram
Ils s’appellent Anthony Matéo, Kim Glow, Maddy Burciaga ou Camille Froment. Tous bénéficient d’une large communauté sur Instagram, acquise après une ou plusieurs apparitions dans des émissions de télé-réalité. Afin d’en tirer des revenus, ils publient chaque semaine des contenus “sponsorisés”. Autrement dit, des publicités pour des sites de vente en ligne, sur lesquels on trouve des accessoires de sport, des bijoux, des montres, ou des produits de maquillage. Si les publications rémunérées sont nombreuses sur le réseau social, ces influenceurs, issus des programmes de W9, TFX ou NRJ12, ont pris l’habitude de mettre en avant des offres parfois douteuses.
Du toc à prix d’or
“Oui-Bijoux est une entreprise familiale, passionnée par les bijoux de génération en génération”, peut-on lire sur le site du même nom. La boutique en ligne est chaudement recommandée par Anthony Mateo (875 000 abonnés sur Instagram) dans des vidéos diffusées le 9 décembre dernier, à l'occasion d’une “promotion spéciale” pour fêter les dix ans du site. Une boutique pourtant mise en ligne il y a six mois. L’offre, qui s’étale sur “48h seulement”, restait toujours opérationnelle quatre jours après la publication.

Un excès de générosité? Pas vraiment. Les promotions miraculeuses proposées par Oui-Bijoux sont loin de constituer de bonnes affaires, pour quiconque désire offrir une montre pour Noël. Parmi les premiers produits mis en avant dans cette catégorie, le modèle “La Unical Silver”, bradée à 15 euros au lieu de 196 euros. Soit une réduction stratosphérique de plus de 92%. Du moins, d’après le commerçant, car en pratique, les clients pourront s’offrir la montre - hors-promotion - pour un tarif trois fois inférieur sur un site comme Amazon France. L’entreprise familiale “passionnée par les bijoux” aurait donc une légère tendance à la surfacturation.

Des dizaines de sites douteux mis en avant
En cas de déception lors de la réception du produit, il faudra être rapide. “Notre politique dure 24h. Si 24h se sont écoulés depuis votre achat, nous ne pouvons malheureusement pas vous offrir de remboursement ou d'échange” annonce Oui-Bijoux. Une clause contraire à la loi, qui impose un délai de rétractation de 14 jours pour la vente en ligne. Contacté par BFM Tech, le propriétaire du site n’a pas souhaité apporter de commentaire.
L’exemple d’Anthony Mateo est loin d’être isolé. En suivant une vingtaine d’influenceurs (entre 300 000 et 1,5 million d’abonnés), nous avons constaté des dizaines de cas similaires. Parmi les autres produits mis en lumière, les accessoires de sport ont une bonne place dans les publications Instagram des personnalités concernées.

Le 9 décembre, Camille Froment (380 000 abonnés sur Instagram) fait la promotion du site Myfitbox, mettant en avant des ceintures abdominales à -20%. Une remise sur la remise, puisque le produit est déjà affiché à 64,90 euros au lieu de 99,90 euros. Pour les abonnés de Camille Froment, l’addition chute donc à 51,92, une fois la réduction appliquée. Mais un tour sur Amazon suffit pour trouver le produit à moins de 20 euros, livraison comprise. Fixé à 1h45 lors de l’ouverture du site Myfitbox dans notre navigateur Web, le compte à rebours affichait toujours le même délai quatre jours après l’opération.

Comme Oui-Bijoux, Myfitbox met en avant des promesses d’authenticité, allant jusqu’à évoquer “une entreprise innovante Made In France” - Amazon, qui distribue le même produit, expédie pourtant depuis la Chine. Afin de faire preuve de transparence, Myfitbox publie la photo de son équipe. Problème, les salariés sont en réalité ceux d’une agence immobilière, immortalisés dans la région de Caen.

Encore plus populaire que Camille Froment, Maddy Burciaga cumule 1,4 million d’abonnés sur Instagram. Le 11 décembre, elle annonce une “promo spéciale fêtes de fin d’année”, liée à des pinceaux de maquillage. Elle incite ses abonnés à se rendre sur le site DiamondKeup pour s’offrir des sets de pinceaux à 10 euros au lieu de 50 euros. Là encore, Amazon permet de relativiser l’intérêt de cette offre: le même produit y est vendu 3,05 euros, soit 46,95 euros de moins que le prix de base affiché.

Les agences pointées du doigt
Sur Twitter comme sur Instagram, les utilisateurs mécontents visent les agences de ces influenceurs, dont le métier est - entre autres - de conclure des contrats avec des annonceurs, en échange d’une commission. Parmi elles, Shauna Events, fondée par Magali Berdah, également chroniqueuse dans l’émission Touche pas à mon poste! (C8). Interrogée par BFM Tech, la créatrice de l’agence, qui travaille avec Camille Froment et Anthony Matéo, admet avoir été dépassée par ce type de publications sponsorisées.
“Il y a des gens qui ont compris qu’on pouvait faire de l’argent facilement. Ces derniers mois, ces promotions sont devenues un fléau. Sur les réseaux sociaux, je reçois des plaintes de clients qui se retrouvent avec un colis ayant une étiquette en chinois!” regrette Magali Berdah, qui tient à défendre l’intégrité des personnalités avec qui elle travaille. “Ce n’est pas parce que mes influenceurs sont des candidats de téléréalité qu’ils ne sont pas sensibles aux critiques sur les réseaux sociaux.”
Après avoir confié la négociation de ces contrats à son équipe de commerciaux, Magali Berdah annonce avoir pris les choses en main ces dernières semaines. “Banijay Group, avec qui je suis associée, m’a aidé à structurer ma boîte et à embaucher deux juristes. Elles vérifient les sites des clients, par exemple en vérifiant leurs conditions générales de vente”. Parmi les points scrutés par les nouveaux employés de Shauna Events, les modalités de livraison, les réductions consenties, le délai de rétractation, mais également l’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) et le numéro de TVA.
Egalement contacté par BFM Tech, Wesley Nakache, fondateur de We Events - et lui même propriétaire d’un site de déstockage, est moins critique vis-à-vis de ces pratiques. “Concernant Maddy Burciaga (dont il est l’agent, ndlr), je ne vois pas le problème. Je ne suis pas choqué que dix pinceaux coûtent 50 euros. Et Maddy a le droit de juger que 10 euros est un bon prix”, affirme-t-il. Une analyse qui omet toutefois de prendre en compte l’article L121-2 du code de la consommation, selon lequel une pratique commerciale peut être jugée trompeuse “lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur” concernant “le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service”.
Quand les influenceurs deviennent vendeurs
Kim Glow, influenceuse suivie par un million d’abonnés sur Instagram, publie régulièrement des publicités pour un site baptisé Promofun. On y trouve des accessoires de renforcement musculaire, dont un stimulateur abdominal “en promotion” à 99,99 euros au lieu de 139,99 euros.

En parcourant les conditions générales de vente de Promofun, plusieurs points attirent l’attention. Tout d’abord, concernant la livraison : “Pour éviter les frais de stockage et de main d’œuvre, nos marchandises se trouvent à l'étranger. Si vous commandez 5 articles différents, vous recevrez donc 5 colis différents et ceux-ci arriveront à des moments différents (certains seront plus rapides, d'autres plus lents)” prévient la boutique, qui semble donc ne servir que d’intermédiaire pour passer commande. Les délais de livraison mentionnés - 2 à 4 semaines - sont identiques à ceux d’Amazon, qui commercialise le même produit pour 45 euros, hors-promotion.

Face à cette situation, Magali Berdah, agent de Kim Glow, admet avoir des moyens d’action limités. “C’est un site qui appartient à Kim Glow et mes influenceurs n’en font pas la promotion” explique-t-elle à BFM Tech. La fondatrice de Shauna Events est en effet liée à l’influenceuse par un contrat d’exclusivité, qui ne concerne pas les opérations commerciales personnelles.
Pour la boutique mise en avant par Kim Glow comme pour celle dont Maddy Burciaga a fait la promotion, un autre élément important se glisse dans les conditions générales de vente. “Aucun remboursement ne peut être effectué sur les articles acheté en solde (sic)” peut-on par exemple lire sur Promofun. “Seuls les articles à prix courant peuvent être remboursés. Malheureusement, les articles soldés ne sont pas remboursables” indique DiamondKeup. Une précision qui confirme que si ces “promotions” servent à attirer le client, elles peuvent aussi s’avérer très utiles pour ne pas rendre l’argent aux mécontents.