En Chine, des applications espions pour surveiller les smartphones des touristes

La province du Xinjiang est l'une des plus avancées du pays en matière de technologies de surveillance. - NICOLAS ASFOURI / AFP
En Chine, la surveillance s'immisce jusque dans les smartphones des touristes. D'après une enquête menée par un consortium de cinq médias internationaux, dont le Guardian et le New York Times, les douaniers chinois installent un logiciel espion sur les smartphones des touristes et visiteurs de la province du Xinjiang, sans leur consentement. Près de 100 millions de personnes se rendent chaque année dans la région, connue pour son avance en matière de reconnaissance faciale et pour la création de camps d'internement pour musulmans.
C'est lors d'un contrôle routinier que survient l'installation de logiciels espions sur les smartphones de touristes. Les douaniers, essentiellement aux postes-frontière du Kirghizistan, profitent de ces quelques minutes pour récupérer leur portable et y télécharger une application dénommée "Les abeilles collectent le miel". Et ce aussi bien sur des smartphones Android que sur des iPhone.
73.000 contenus sur liste noire
Concrètement, l'application viendra traquer les données personnelles des touristes, de leurs messages à leur répertoire, en passant par les notes vocales ou la géolocalisation, ont noté des experts du Citizen Lab de l’Université de Toronto et de l’Université de la Ruhr à Bochum. Surtout, l'application viendra jeter un œil dans l'historique du téléphone et dans ses contenus multimédias, pour venir y déceler des contenus interdits dans le pays.
La liste noire du gouvernement comprend pas moins de 73.000 éléments. Elle cible essentiellement des contenus assimilés à l'Etat islamique - dont des images d'exécutions ou des publications d'Al-Qaida - mais embrasse également des éléments a priori plus inoffensifs. Ainsi d'une photo du Dalaï-Lama, d'un dictionnaire arabe ou encore de Winnie l'ourson. Des images du personnage de dessin animé étaient utilisées en ligne pour une ressemblance présumée avec Xi Jinping.
Véritable Etat police à lui seul, le Xinjiang est devenu un laboratoire à ciel ouvert des technologies de surveillance. Les autorités locales comptent sur la reconnaissance faciale pour signaler les allées et venues de membres musulmans de la communauté ouïghoure, et envoyer une alerte au moindre comportement "suspect". La province se dit intéressée par une technologie de reconnaissance de la démarche, pour venir en renfort de la reconnaissance faciale. Dans le pays, quelque 170 millions de caméras dotées d'intelligence artificielle ont déjà été installées, et près de 600 millions pourraient l'être d'ici à 2020.