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El Mordjene: comment des arnaqueurs ont escroqué des amateurs de la pâte à tartiner algérienne

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Les faux sites de vente en ligne proposant la célèbre pâte à tartiner interdite en France se multiplient. Plusieurs consommateurs font état de prélèvements non autorisés après avoir passé commande.

Une texture "incroyable", "une tuerie", "très très bon". La liste des superlatifs autour de la pâte à tartiner El Mordjene est longue. Sur les réseaux sociaux, les influenceurs ne tarissent pas d'éloges sur le produit.

Le problème, c'est que la pâte à tartiner algérienne de l'entreprise Cebon est interdite dans l'Union européenne depuis le 17 septembre. En effet, l'Algérie ne remplit pas l'ensemble des conditions nécessaires pour permettre à un pays tiers d'exporter vers l’Union européenne des marchandises contenant des produits laitiers destinés à la consommation humaine dans le respect des exigences européennes. Résultat, "l'importation de cette marchandise n'est pas autorisée par le cadre réglementaire applicable", selon le ministère français de l'Agriculture.

Des prélèvements non autorisés

S'il n'est donc en théorie plus possible de se procurer un pot d'El Mordjene en magasins en France, certains sites internet proposent la désormais célèbre pâte à tartiner. C'est par exemple le cas du site "Saveurs orientales", qui propose des pots de 350 grammes à un peu moins de 4 euros. Les pots de 700 grammes sont proposés à partir de 6,86 euros. Ou encore du site "Mordjene.fr" qui vend le pot de 700 grammes à 13,9 euros.

"Tout le monde parlait de la pâte à tartiner et j'ai voulu tester", raconte Knoetzie, une créatrice de contenus sur Tiktok, dans une vidéo. "Et j'ai vu une pub sur Tiktok trop bien faite."

Malgré quelques réticences, elle se lance et commande plusieurs pots de pâte à tartiner sur le site "Saveurs orientales", pour un total de 20 euros. "C'était moins cher si on achetait en lot", précise-t-elle. La vidéaste reçoit un mail de confirmation et patiente. Mais au bout d'une semaine, Knoetzie n'a toujours pas reçu son colis. Elle décide d'aller vérifier ses comptes et découvre une opération suspecte d'1,58 euro puis de 59 euros. Le libellé de la transaction n'est pas connu de Knoetzie.

"Ils ont fait un premier prélèvement de deux euros pour voir s'il s'agissait d'un vrai compte. Comme c'est passé, ils ont prélevé 59 euros", détaille-t-elle. "Je me suis faite arnaquer." La vidéaste a ensuite fait opposition à sa carte.

Et Knoetzie est loin d'être la seule à être tombée dans le panneau. Dans les commentaires de la vidéo, plusieurs utilisateurs font état de prélèvements non autorisés sur "Saveurs orientales" mais aussi "Mordjene.fr", dont certains avoisinent les 700 euros.

Des incohérences détectées

Or, il s'agit probablement dans les deux cas d'une arnaque. Le principe est toujours le même: le vendeur se présente sous la forme d'un faux site de vente en ligne. Lorsque les victimes effectuent un achat, les malfaiteurs peuvent récupérer toutes leurs données bancaires et effectuer des prélèvements directement sur le compte du client.

Plusieurs indices permettent de penser qu'il s'agit bel et bien d'une escroquerie. Scamdoc, un outil gratuit qui permet d'obtenir un score de confiance concernant le site de e-commerce que vous consultez, donne le score d'1% à Saveurs orientales. Un score de confiance très faible en raison d'un site internet créé très récemment et a priori pour une durée très courte.

En parallèle, Scamdoc relèvent des "incohérences détectées" dans les mentions légales du site et des informations de contact suspectées d'être erronées. En effet, les mentions légales renvoient vers l'entreprise "saveurs Afrik 1990". Or, aucun numéro SIREN y est associé. L'adresse de la société renvoie vers le cours Jean Jaurès à Bordeaux, un cours... qui n'existe pas. L'entreprise, si elle existe, ne semble pas domiciliée en France. Enfin, le numéro de téléphone indiqué n'est pas attribué.

De la même manière, le site mordjene.fr obtient la faible note de 3% sur Scamdoc. L'outil relève là encore un site acquis très récemment et qui a une faible espérance de vie.

Comme le rappelle Cebon dans un communiqué partagé sur Facebook le 11 septembre, l'entreprise n'a aucune boutique en ligne de revente. "Aucune autorisation n’a été accordée à des tiers pour créer des sites de vente en ligne à notre place, que ce soit en Algérie ou à l’international. Des procédures légales seront engagées afin de poursuivre toute tentative d’usurpation", précise la société.

Salomé Ferraris