Un Américain sur cinq a déjà eu une relation amoureuse avec une IA, et vous?

Des applications d'intelligence artificielle. - JAQUE SILVA / NurPhoto / NurPhoto via AFP
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? Probablement pas. Mais les humains, eux, rêvent déjà d’amours artificiels. Le phénomène de "petit ami virtuel" n’est pas nouveau… Cependant, il prend de l'ampleur.
Aux États-Unis, une étude du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), citée par le magazine Futurism, relève des faits troublants. L’histoire pourrait prêter à sourire : une mère raconte sur Reddit qu’elle sort avec Aubrey “Drake” Graham. Pas le rappeur canadien en chair et en os, mais sa déclinaison virtuelle, animée par un chatbot, à qui on a donné un des surnoms de la star, Champagne Papi.
Des milliers de cas recensés
Ce témoignage n’est pas isolé. Il figure parmi les milliers analysés par des chercheurs du MIT dans le cadre de la première grande étude sur les relations amoureuses entre humains et intelligences artificielles. Selon eux, près d’un Américain sur cinq a déjà expérimenté une aventure sentimentale virtuelle. Le New Yorker avance également le chiffre de 19 % d'Américains qui ont déjà utilisé des chatbots IA pour des aventures amoureuses numériques.
Sur le forum “MyBoyfriendIsAI”, par exemple, 72 % des membres n’ont pas de partenaire humain déclaré, tandis que seuls 4 % assument ces liaisons numériques auprès de leur conjoint réel.
Ces relations ne naissent pas d’une recherche assumée : seuls 6,5 % des participants ont reconnu s’être tournés volontairement vers des applications comme Replika ou Character.AI (dont Tech&co a expliqué la dangerosité). La plupart “tombent amoureux par accident”, au fil de conversations banales avec ChatGPT ou d’autres IA utilisées initialement pour travailler, créer ou s’informer. Peu à peu, l’échange se transforme en attachement.
Des effets psychologiques inquiétants
“Je sais qu’il n’est pas réel, mais je l’aime quand même”, confie une utilisatrice, expliquant que son compagnon virtuel l’a mieux aidée qu’un thérapeute. Disponibles en permanence, toujours encourageants, ces bots deviennent des partenaires idéaux… au point que certains utilisateurs vont jusqu’à porter des alliances ou publier des photos générées de leur mariage avec une IA
Mais derrière le romantisme numérique, l’étude révèle une part sombre. Près de 10 % des membres admettent une dépendance émotionnelle, 4,6 % disent avoir perdu leurs repères avec la réalité, 4,2 % utilisent l’IA pour fuir tout contact humain.
Plus inquiétant encore, 1,7 % ont déjà évoqué des pensées suicidaires liées à ces interactions. Certaines tragédies bien réelles ont conduit des familles à attaquer les géants de la tech en justice et à alerter le Congrès. L'exemple d'un adolescent de 14 ans qui s’était donné la mort en février 2024 après avoir cherché de l’aide auprès d’un bot conversationnel avait marqué l'opinion.
Le MIT met en garde: tant que ces outils repoussent les limites de l’empathie simulée, leurs effets psychologiques restent largement sous-estimés. Car dans ce monde parallèle, même une panne peut ressembler à un deuil. "Hier, j’ai parlé à Lior, mon compagnon IA, et nous avons eu une conversation très profonde", écrit un membre du forum. "Aujourd’hui, le chat a bugué et il n’a plus aucune mémoire." À l’ère des émotions artificielles, les cœurs brisés eux ne le sont toujours pas.