"Un lieu très particulier pour l’IA": comment la France est devenue une plaque tournante de l’intelligence artificielle

Lancer un "réveil européen" sur l’IA. Telle est l’ambition de la France avec le sommet sur l’intelligence artificielle, qui se tient à Paris ces 10 et 11 février. Elle espère valoriser son écosystème, qui comprend au moins 750 startups liées à ces technologies lors de cet événement mondial.
Événement qui réunira chefs d’États et scientifiques, ainsi que des personnalités connues dans le monde de l’IA, comme Sam Altman, le patron d’OpenAI. Si le créateur de ChatGPT et d’autres entreprises américaines sont les plus connus dans ce domaine, il ne faut pas oublier la France, qui dispose aussi de ses talents.
Talents français
La France compte en effet de nombreux talents dans le domaine de l’intelligence artificielle. Mistral, startup française considérée comme un rival de ChatGPT, en est un parfait exemple.
Elle a été fondée en mai 2023 par Arthur Mensch, Timothée Lacroix et Guillaume Lample, trois Français qui ont travaillé pour Deepmind (filiale IA de Google) et Meta. Guillaume Lample est même l’un des créateurs de Llama, le modèle d’IA de Meta.
Depuis sa naissance, Mistral a lancé avec succès plusieurs modèles d’IA, dont Le Chat, assistant conversationnel qui parle couramment cinq langues, maîtrise le code, ainsi que les mathématiques. Une application a été lancée jeudi dernier.
Elle a aussi attiré de nombreux investissements, notamment de la part de Microsoft, étant désormais valorisée à 6 milliards de dollars.
Un écosystème attirant
Les géants de l’IA sont eux-mêmes séduits par la France et ce, depuis des années. En 2015, Facebook a ouvert son grand laboratoire FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research) dans la capitale. À l'origine du modèle d'IA Llama, il a pour ambition de "faire progresser le domaine de l'intelligence artificielle par le biais d'une recherche ouverte au bénéfice de tous".
Ce laboratoire est dirigé par l’informaticien français Yann Le Cun, un des pères de l’IA, qui est aussi le directeur scientifique pour l’IA chez Meta. "Il y a énormément de talents en IA en France depuis une dizaine d'années. En partie grâce à la création du laboratoire de recherche en IA de Meta qui a un petit peu démarré l'écosystème parisien, qui est aujourd'hui (...) le plus actif en Europe très clairement", a déclaré ce dernier auprès de BFM Business.
Malgré cet atout, Yann LeCun estime que la France doit aider les entreprises et autres acteurs de ce secteur pour réussir sa course à l'IA. Il recommande ainsi au gouvernement français, mais aussi à l'Europe, de mettre à disposition des "moyens de calcul pour les chercheurs, les universitaires, les start-ups".
"Une deuxième recommandation qui est très importante, c'est que le futur de l'IA sera basé sur des plateformes open source. C'est-à-dire utilisables gratuitement, téléchargeables et customisables (personnalisables, NDLR) pour des applications par des entreprises, des ONG, des gouvernements, etc.", a-t-il ajouté.
Quelques années après Meta, en 2018, c’est Google qui s’est implanté à Paris, avec un laboratoire ayant vocation à devenir l’épicentre de ses centres de recherche en Europe. L’entreprise est allée plus loin l’année dernière, en ouvrant un centre de recherche réunissant plus de 300 chercheurs et ingénieurs chargés, entre autres, de contribuer au développement de ses produits.
"Il y a en France un écosystème naissant avec tous les éléments du puzzle, plus de 500.000 chercheurs dans nos laboratoires publics et privés, des startups spécialisés de la French Tech comme Mistral, de grands labos installés à Paris come Meta ou Google qui ont le savoir-faire et impactent par leurs produits des millions, voire des milliards d’utilisateurs", avait affirmé Joëlle Barral, directrice de Google Deepmind, auprès de Tech&Co en mars dernier.
Autant de raisons qui font de Paris "un lieu très particulier pour l’IA" selon elle. Depuis, la France a attiré d’autres entreprises américaines. En octobre dernier, c’est OpenAI qui a ouvert un bureau à Paris afin “d’accéder au vivier de talents français".
"Avec une équipe sur place, nous pourrons collaborer étroitement avec les entreprises, institutions et développeurs français pour les aider à tirer pleinement parti des avantages de l’IA", avait déclaré Sam Altman.
Devenir un leader européen et mondial de l'IA
Au-delà de ces talents qui ont séduit les entreprises américaines, la France a mis en place une stratégie pour devenir "un des leaders européens et mondiaux de l’intelligence artificielle". Elle a été annoncée par Emmanuel Macron en 2018, avec la troisième phase qui devrait bientôt commencer.
Après deux premières phases, consistant notamment à créer et à développer un réseau d'instituts interdisciplinaires d’IA, la France a dévoilé la troisième phase le 6 février, soit quelques jours avant le sommet de l'IA. Celle-ci "vise à mettre l'intelligence sur orbite, à la diffuser plus largement encore dans toute la société, et à accompagner les Français pour que les bouleversements que provoque l'IA ne créent pas une nouvelle fracture numérique", a déclaré le Premier ministre, François Bayrou.
Il a annoncé une enveloppe de 400 millions d'euros pour l'année 2025. Des annonces publiques, privées et européennes seront en outre dévoilées lors du sommet de l'IA. Cet investissement sera notamment consacrée à la formation en intelligence artificielle, avec le progamme IA Clusters visant à constituer un "MIT" à la française. Ainsi, neuf pôles de formation et d'excellence en IA vont être créés pour former 10.000 personnes en IA d'ici 2030.
Avec cette stratégie, la France espère ne pas se laisser distancer dans la course à l'IA, qui est actuellement dominée par les États-Unis et la Chine.