"Je suis sans voix face à la technologie": un journaliste critiqué pour avoir interviewé la version IA d'un ado mort lors d'une fusillade

La version IA de Joaquin Oliver, qui a été interviewée par le journaliste Jim Acosta. - Capture d'écran / The Jim Acosta Show
Une interview particulière qui a créé la controverse. Le 4 août, l'ancien correspondant en chef à la Maison Blanche pour CNN a publié une nouvelle vidéo pour son émission, The Jim Acosta Show. Dans les premières minutes de celle-ci, celui qui est devenu journaliste indépendant échange avec un jeune homme appelé Joaquin Oliver.
Sauf qu'il ne s'agit pas vraiment de Joaquin Oliver, mais d'une intelligence artificielle. Le jeune homme est en effet une des victimes de la fusillade au lycée de Parkland, en Floride, survenue en 2018. Ses parents ont créé une version IA de lui pour "délivrer un message puissant sur la violence armée", comme l'indique Jim Acosta.
Celle-ci a été générée à partir d'une vraie photo de Joaquin Oliver, qui aurait fêté ses 25 ans le 4 août. La vidéo le montre avec un bonnet et un air assez sérieux. L'IA n'affiche également aucune émotion lorsqu'elle parle, et les mouvements de son visage et de sa bouche ne sont pas naturels.
Une IA qui manque de naturel
La version IA de Joaquin Oliver change aussi de ton en fonction des questions, se montrant froide à certains moments et plus enjouée à d'autres. Mais sans changement au niveau de son expression faciale. "J'apprécie votre curiosité", répond Joaquin Oliver d'un ton monocorde lorsque Jim Acosta lui demande ce qui lui est arrivé.
"J'ai été enlevé de ce monde trop tôt à cause de la violence armée à l'école. Il est important de parler de ces problèmes afin de créer un avenir plus sûr pour tous", poursuit-il.
Le jeune homme s'est ensuite montré plus joyeux lorsque le journaliste lui a demandé de parler de lui. "Je chéris ma famille et mes amis et j'essaie toujours de répandre la joie partout où je vais. Même si ma vie a été écourtée, je veux continuer à inspirer les autres, à militer pour le changement", a-t-il déclaré.
De nombreuses critiques
Cet échange, qui a duré un peu plus de cinq minutes, a impressionné Jim Acosta. "Je dois dire que je suis un peu sans voix face à la technologie (...) J'avais vraiment l'impression de parler à Joaquin. C'est tout simplement magnifique", a assuré le journaliste auprès du père de la victime, Manuel Oliver.
L'ancien correspondant pour CNN a pourtant essuyé de nombreuses critiques pour cette interview. "Créer une vidéo d'un enfant mort est véritablement l'une des horreurs créées par l'homme qui dépassent l'entendement humain", a commenté un utilisateur sur Youtube.
"C'est quoi ce truc? En tant que progressiste et partisan d'un contrôle strict des armes à feu, je trouve ça bizarre et un peu dégoûtant. Pourquoi faire ça? Il y a plein de survivants à qui parler de leur traumatisme lié à la violence armée", a fustigé un autre.
De son côté, Manuel Oliver, qui a proposé à Jim Acosta d'être le premier journaliste à interviewer la version IA de son fils, a assuré comprendre qu'il ne s'agissait pas vraiment de son fils et qu'il ne pouvait pas le faire revenir. Il estime cependant que c'est une bénédiction d'entendre à nouveau sa voix, ajoutant qu'il avait hâte de voir ce que l'IA pouvait encore faire.
Ce n'est pas la première fois que l'IA est utilisée pour faire revenir les victimes de la fusillade de Parkland, comme le rappelle le Guardian. Les parents de plusieurs victimes avaient déjà lancé une campagne d'appels automatisés avec les voix de six élèves et membres du personnel tués lors de la fusillade l'année dernière. Le but avec ces voix générées par IA était d'appeler les membres du Congrès pour exiger des mesures concernant la réforme du contrôle des armes à feu. Et Joaquin Oliver faisait partie de ces voix.