"Une révolution extraordinaire": à quoi va servir (concrètement) l'ordinateur quantique?

"La quantique va ouvrir un champ des possibles extraordinaires", expliquait Sébastien Missoffe, directeur général de Google France, sur le plateau de BFM Business. Avec la présentation de sa puce électronique "Willow" le 9 décembre, Google relance l'engouement autour du futur de l'informatique, la quantique. Cette technologie trouvera une multitude d'applications dans des tâches qui nécessitent une grande puissance de calcul.
"Une révolution extraordinaire"
L'informatique progresse à un rythme effréné, notamment lorsqu'on parle d'intelligence artificielle. Mais en parallèle le matériel, surtout les cartes et les puces électroniques, peine à suivre la cadence. "Il y a une limite, aujourd'hui, sur les ordinateurs tels qu'on les utilise", décrit Sébastien Missoffe. Les composants électroniques deviennent aujourd'hui très rapidement obsolètes (générant par ailleurs des quantités astronomiques de déchets).
C'est pourquoi la quantique demeure l'innovation tant attendue par les entreprises de la tech. Qualifiée de "révolution extraordinaire" par Sébastien Missoffe, elle offre une puissance de calcul bien supérieure à celle proposée par nos ordinateurs actuels. Selon Hartmut Neven, fondateur de Google Quantum AI, la puce quantique "Willow", effectuerait en quelques minutes des tâches que les supercalculateurs actuels mettraient 10 septillions d'années à faire (soit 10.000.000.000.000.000.000.000.000 années).
Rapidement, la quantique deviendra incontournable. La technologie veut mettre à la retraite le binaire qui aujourd'hui fait tourner la totalité de nos systèmes informatiques. Les bits (qui prennent soit la valeur 0 soit la valeur 1) deviendront dans les systèmes quantiques des qubits. Ces derniers sont dans un état entre le 0 et le 1, ce qui leur permet de traiter des quantités plus importantes de données.
La santé, première bénéficiaire
L'ordinateur quantique sera sans nul doute le moteur des futures intelligences artificielles en leur accordant la puissance nécessaire pour tourner des algorithmes gourmands. Une avancée qui est particulièrement attendue dans certains domaines: "Très concrètement, par exemple en santé aujourd'hui pour trouver des nouvelles molécules", constate Sébastien Missoffe. "Les ordinateurs tels qu'on les connaît aujourd'hui ne permettent pas un certain nombre de ces calculs."
La recherche en pharmacologie pourrait grandement bénéficier de l'informatique quantique.Cette dernière permettrait de simuler les interactions qu'ont certaines molécules avec notre corps ou des maladies. C'est d'ailleurs l'objectif de l'entreprise française Qubit Pharmaceuticals. En juillet 2024, son PDG, Robert Marino, expliquait sur le plateau de BFM Business combien la quantique accélérait la recherche dans le domaine :
"On fait de la conception de médicaments assistée par ordinateur quantique. Grâce à notre plateforme de calcul, on est capable d'accélérer la conception et la validation de molécules. [...] Ca nous permet d'être beaucoup plus créatif et aller plus vite dans la découverte de médicaments."
D'autres applications possibles de la quantique
Autre exemple, le secteur des transports entend également profiter de cette innovation. Dans un rapport du département des transports des États-Unis paru en novembre 2024, des experts ont été interrogés sur les possibles utilisations de la technologie quantique dans le domaine. On apprend qu'elle pourrait être bénéfique à bien des égards.
D'abord, elle pourrait favoriser l'optimisation d'itinéraires afin de réduire les embouteillages. Il pourrait aussi être d'une grande aide pour anticiper des catastrophes naturelles soudaines comme des inondations et pourrait même prévoir des scénarios d'évacuation.
Enfin, comme pour les médicaments, l'ordinateur quantique, de par sa puissance, serait capable d'accélérer la recherche moléculaire. Il serait en mesure de trouver les matériaux les plus adaptés pour la conception de batteries pour les voitures électrique ou des matériaux plus résistants pour les infrastructures de transport comme des ponts.
On pourrait citer d'autres secteurs intéressés comme l'énergie. L'informatique quantique pourra jouer un rôle dans l'optimisation des réseaux électriques voire "dans la conception d'un réacteur à fusion nucléaire" selon Hartmut Neven.
Mais au-delà de l'innovation, la quantique pourrait aussi devenir une menace pour la cybersécurité. La puissance de calcul dont seront capables les ordinateurs quantiques pourraient également bénéficier aux hackers pour décrypter des données. On parle alors de cryptographie post-quantique, une nouvelle branche de la cybersécurité visant à renforcer un système pour le rendre inattaquable pour un ordinateur quantique.
Une technologie à ses balbutiements
Google présente le problème comme "un défi majeur [...] que l'on s'efforce de relever depuis près de 30 ans". Bien qu'on observe un net progrès dans le domaine, les qubits engendrent toujours une grosse marge d'erreur. Sébastien Missoffe est conscient de cette limite: "La difficulté maintenant, c'est que ça va beaucoup plus vite mais que c'est beaucoup moins fiable et l'annonce de "Willow" nous faire dire qu'on a une opportunité de maintenir cette vitesse extraordinaire… avec beaucoup moins d'erreur."

En 2022, l'entreprise Riverlane spécialisée dans l'informatique quantique estimait qu'une opération sur mille était erronée. L'objectif pour qu'un ordinateur quantique soit a minima fonctionnel est fixé à une erreur sur mille milliards.
Avec "Willow", Google marque une avancée majeure dans le domaine puisque la puce annonce "réduire les erreurs de manière exponentielle". Cela n'empêche pas Sébastien Missoffe de relativiser: "On est dans une échelle de plusieurs années avant d'arriver à pouvoir le niveau de confiance dans ces algorithmes pour avoir des applications concrètes."