"South of Midnight": le jeu vidéo qui ne veut pas vous laisser indifférent

South of Midnight - Microsoft
Des créatures gigantesques, un sud des États-Unis quelque peu dévasté, une patte graphique marquante: dès ses premières images, South of Midnight a marqué les esprits par son style différent. Compulsion Games (Contrast, We Happy Few) sait toujours concevoir des univers différents et très marqués. Sa prochaine perle ne déroge pas à la règle.
South of Midnight se présente comme un jeu d’action-aventure captivant sous forme de conte contemporain, emmenant les joueurs dans des contrées qui rappellent les bayous et les terres de Louisiane. Le jeu s’inspire d’ailleurs ouvertement du folklore du sud profond. "On s’est inspiré des œuvres Southern Gothic pour créer un récit à la fois sombre et dramatique, peuplé de personnages plus grands que nature dans un univers mélangeant réalisme, magie et légendes mystiques", explique à Tech&Co Maxime Archetto, directeur de réalisation du jeu.
Le Southern Gothic est un style culturel américain qui fait se côtoyer fiction gothique et culture du Sud du pays, avec des thèmes récurrents comme les lieux reculés, à l’abandon, les marécages, le mélange de vaudou, de croyances et de coutumes, le tout sur fond de situation chaotique qui toucha les populations notamment noires américaines au 18e siècle (aliénation, pauvreté, esclavage, maladie mentale…). De quoi dresser le décor de South of Midnight qui entraîne son héroïne, Hazel aux pouvoirs de tisseuse des fils de l’univers, dans un monde fantaisiste peuplé de créatures issues du folklore local.
Un jeu au style visuel "fait à la main", mais terriblement marquant
Crocodile géant avec une forêt sur le dos, crapaud monstrueux, lapin miniature, paysages souvent sombres et brumeux de marécages peu accueillants: South of Midnight a indéniablement du style. Le joueur va ainsi traverser plusieurs biomes, des lieux désœuvrés, parfois oppressants, parfois majestueux malgré le sentiment général d’abandon. "Le voyage d’Hazel débute dans la réalité et s’enfonce progressivement dans le magique et l’étrange, là où la nature a repris ses droits", ajoute le responsable du jeu chez Compulsion Games. "C’est sombre, humide, plein de moustiques, mais la lumière y est magnifique." Et les paysages aussi.

"Notre style visuel s’apparente à une maquette", souligne Maxime Archetto. "On a construit les éléments manuellement et l’animation a cherché à imiter les effets du stop motion". Ce choix esthétique donne l’impression que les environnements, les personnages et les animaux ont été sculptés à la main. Un aspect "tactile et authentique" que voulait le studio pour rappeler les marionnettes et "renforcer l’immersion dans le corps". Ça ne plaira sans doute pas à tous les joueurs, mais le style est défini.
Et pour accentuer l’aspect conte, Compulsion Games a joué la carte du livre illustré avec la voix d’un narrateur, des images animées récapitulant l’histoire à la fin de chaque chapitre et annonçant quelques détails sur la suite de l’aventure. "On s’inspire des livres anciens de contes, certains flirtant avec l’horreur, mais on y ajoute une esthétique gothique pour une ambiance sombre et un point de vue cinématographique qui va flirter du côté des films noirs, qui prenaient leur temps pour créer une atmosphère, avec des jeux d’ombre et de lumière", résume Maxime Archetto.
Si le jeu impose tout de suite un style visuel marquant, il s’annonce aussi porté par une musique tout aussi importante. Dès sa première apparition, avec son étrange personnage géant jouant du banjo, on avait compris que South of Midnight accorderait une large place à la musique. On était loin d’imaginer à quel point.

La musique au cœur de l’expérience narrative et de jeu
Mélangeant chansons originales inspirées du folklore du sud, de compositions inédites, South of Midnight a confié sa direction musicale à Olivier Derivière (A Plague Tale, Streets of Rage 4, Assassin's Creed: Black Flag…). Une consigne seulement: que chaque chanson possède une thématique dédiée à l’une des créatures croisées durant le périple d’Hazel. Et la musique va progresser à la même vitesse que l’héroïne, dans sa découverte des lieux et des personnages. "Cela va enrichir progressivement la chanson", confie le compositeur français. "Au début, la mélodie n’est qu’un refrain murmuré. Mais à la fin, cela devient une symphonie avec un chœur qui raconte l’histoire."
Les combats de boss seront ainsi de véritables pièces symphoniques, point culminant graphique et musical du chapitre. La musique semble d’ailleurs aussi indissociable de chaque élément du jeu qu’elle l’est culturellement du sud des États-Unis. On ressent à chaque envolée d’Hazel les notes qui la suivent. Il a fallu près de trois ans de travail à Olivier Derivière pour élaborer la partition. "Quand on veut bien faire les choses, il faut prendre le temps. Chez Compulsion Games, on a à faire à des artistes qui comprennent ce qu’est la création, que c’est un travail de maturation et pas un coup d’effet", déclare-t-il, ajoutant que le travail de conception a surtout été une "véritable synergie" pour trouver les idées et les mettre en place.

La musique est un élément essentiel de l’expérience du jeu, voulue aussi "artisanale" que la narration et les visuels. Ce n’est pas péjoratif, mais un style plus réaliste et immersif recherché par le studio pour que l’expérience soit cohérente et détaillée. Plus émotionnelle aussi. Tout doit permettre de comprendre les personnages, les lieux et l’ambiance. "South of Midnight, c’est très singulier, 'très arty'", s’enthousiasme Olivier Derivière. "Quand j’ai approché ce jeu-là, je ne savais pas ce que j’allais faire et j’avais un peu peur. Mais c’est une bonne chose. Si un jour, je n’ai plus peur, ça voudra dire que je recycle et que je m’ennuie."
Alors il se jette avec l’envie de faire quelque chose de différent et poignant. Et surtout de ne pas tricher dans le message porté par Compulsion Games. Les personnages ont été représentés vocalement par des talents et artistes américains, beaucoup issus du milieu musical de Nashville. "Ils ont apporté quelque chose d’unique, de leur propre caractérisation, de leur personnalité, au jeu", se souvient-il. "La musique est inventée à partir des couleurs qu’ils ont données aux instruments, aux voix. Cette musique représente avant tout le jeu, l’esthétique musicale au service de la vision."
South of Midnight, c’est avant tout le voyage initiatique de son héroïne, passant de l’adolescence à l’âge adulte, avec tous ces changements et la découverte de soi. C’est aussi celui des autres personnages, parfois terrifiants, parfois excentriques, qui vont se muer en créatures légendaires. Hazel a ses étranges pouvoirs magiques pour en venir à bout, les aider à apaiser leurs souffrances, leur faim et leur colère. Un jeu à l’atmosphère mystique et magique qui mise sur son style original pour faire passer son message d’acceptation de soi et de ses différences.