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"Keeper": plein phare sur l’improbable jeu vidéo “étrange, mais apaisant” qui a tout pour vous envoûter

Keeper, la nouvelle perle des studios Xbox

Keeper, la nouvelle perle des studios Xbox - Double Fine Productions

Né dans les esprits toujours aussi tordus du studio Double Fine (Psychonauts, Grim Fandango, Broken Age), “Keeper”, l’histoire d’un phare éveillé qui part ranimer le monde, est de ces jeux improbables qui vous prennent par la main pour vous emmener on ne sait où. Avec la certitude que le voyage comme l'objectif nous ferons vivre une expérience pas comme les autres.

C’est l’histoire d’un phare, objet animé qui a donc un âme, et qui part à l’assaut d’une montagne, épaulé par un oiseau de mer posé sur son toit. Ils doivent éclairer le monde dévasté autour d’eux pour lui redonner vie. Lorsque Tim Schafer, à qui on doit les dialogues formidales des premiers Monkey Island, nous pitche le prochain jeu de Double Fine Productions, il y a quelque chose d’évidemment improbable, mais finalement d’assez habituel avec ce studio Xbox pas comme les autres.

Avec Grim Fandango, Psychonauts, Broken Age ou encore Brütal Legend, on a pris l’habitude de se retrouver face à des univers barrés, des personnages hauts en couleur et des situations absurdes qui s’enchaînent, dans des jeux parfaitement maîtrisés. Keeper, disponible depuis le 17 octobre sur Xbox Series et PC, ne déroge pas à la règle.

“C’est une histoire racontée uniquement par les images et les sons”, nous explique Tim Schafer. “Le jeu ne dit rien. Il se ressent”. Le cadre est posé ou plutôt ses contours. Le cadre, lui, est forcément inattendu: un phare délabré se réveille après une tempête qui a tout ravagé, alors qu’il a été heurté par un oiseau en perdition. Il se retrouve alors animé et doté de pattes, façon araignée mécanique, qui vont lui permettre de se déplacer, et d’une lumière dont le faisceau change l’environnement et permet d’interagir pour débloquer des éléments.

Une expérience émotionnelle sans dialogue

Au-delà de son improbable duo muet et de sa beauté visuelle ultra léchée - et ultra riche en animation en arrière-plan -, Keeper (gardien en anglais) est une aventure pleine de mystère et d’émotion. Pas besoin de menu, de direction, de consignes ou de dialogues pour comprendre. Le jeu est instinctif et l’on s’y lance tout aussi chancelant que ce phare vacillant qui semble près de tomber en ruine à chaque instant. Pourtant, aucun danger ne se présente à nous. Le jeu multiplie les mini puzzles pour débloquer les zones et progresser. Rien de compliqué, ce n’est clairement pas l’enjeu.

Twig, l'oiseau de mer qui accompagne le phare dans "Keper", le nouveau jeu Xbox
Twig, l'oiseau de mer qui accompagne le phare dans "Keper", le nouveau jeu Xbox © Double Fine Productions

Keeper, c’est une aventure atmosphérique d’énigmes légères. Il s’agit d’une expérience étrange, mais apaisante”, définit Tim Schafer. Il pourrait rajouter envoûtante et séduisante aussi. Car Keeper est de ces jeux qui ont un je-ne-sais-quoi de plus. Pas compliqué, on ne peut pas mourir ou échouer durant la partie, mais qui sait vous prendre par la main et vous emmener on ne sait où. Et on y va sans bien comprendre comment ni pourquoi on le fait tant tout est improbable, du décor à la situation. On avance sans se retourner.

Le jeu est né dans l’esprit de Lee Petty, scénariste et acolyte de Tim Schafer chez Double Fine. “Durant la pandémie, il allait marcher seul, observant comment la nature continuait d’évoluer et de se régénérer, même en notre absence”, raconte-t-il. De cette solitude est née une question: que deviendrait la vie sans nous? Une réflexion philosophique sur la connexion entre les êtres vivants et la résilience de la nature que porte Keeper à travers son phare qui tente d’éclairer les ténèbres et de la ranimer. Un gardien de la vie et de la mémoire, qui joue parfois avec le temps pour progresser dans sa quête.

Mettre le bizarre en scène pour qu’il ait l’air familier

Il y a clairement des inspirations puisées du côté des surréalistes comme Dali ou Max Ernst. Tim Schafer avoue des références croisées assez improbables entre les films d’animation Dark Crystal ou encore Nausicaä de la Vallée du Vent et ceux de David Cronenberg. “Lee a un sens du bizarre très marqué. Il voulait un univers qui paraisse étrange et familier à la fois, un rêve éveillé”, souligne le patron de Double Fine. On le sent à chaque plan du jeu.

Keeper
Keeper © Double Fine Productions

Keeper est une invitation au voyage pour le simple plaisir d’expérimenter et comprendre. La lumière y est un langage qui débloque les situations, dissipe les ténèbres et fait revivre la nature. On y comprend les métaphores de la renaissance de ce phare, sa capacité à s’adapter et sa symbiose avec la nature, marquée par son entente avec Twig, qui lui prête main forte en débloquant des objets et des mécanismes, mais aussi sa fusion progressive avec la flore. Le phare marche, bondit, vole parfois. Tout est étrange, inattendu et finalement tellement familier et logique. Sans doute la meilleure définition de ce Keeper qui restera en tête comme un jeu improbable, illogique, incompréhensible parfois, mais tellement réconfortant dans sa bizarrerie.

“Chez Double Fine, chaque projet a son propre ton. Certains partent de la mécanique, d’autres de l’art. L’important, c’est qu’ils soient faits de manière artisanale et avec le coeur”, conclut Tim Schafer. Keeper ne cherche pas à raconter, il se vit, se ressent. Le phare passe de l’incompréhension à la tristesse et la curiosité, sans un mot, sans un son, mais on a tout compris. Comme quoi, avec des choses simples, mais belles, on peut procurer de belles émotions au fil d'à peine huit heures de rêverie éveillée, sans avoir besoin d’être un blockbuster qui vous explique quoi faire.

KEEPER - Disponible sur Xbox Series X|S, PC et Game Pass.

Melinda Davan-Soulas