Tech&Co
Gaming

Don't Nod, Ubisoft... Qui est Tencent, le géant chinois qui lorgne les fleurons français du jeu vidéo?

placeholder video
Présent au capital de nombreux éditeurs et studios de jeux vidéo, Tencent est l'un des plus gros éditeurs au monde.

En l'espace de quelques années, Tencent s'est forgé une solide réputation dans le jeu vidéo. Pas uniquement en développant des super productions sur mobiles ou sur consoles, mais en investissant dans de nombreux éditeurs et studios occidentaux.

Géant chinois fondé en 1998, Tencent s'est d'abord fait connaître grâce à l'application de messagerie QQ (basée sur ICQ) qui compte plus d'un milliard d'utilisateurs à travers le monde, puis Wechat, qui compte elle aussi plus d'un milliard d'utilisateurs. A Shenzhen, où il est basé, il est le premier employeur de la mégalopole chinoise et a fait de la diversification sa marque de fabrique, bien au-delà des frontières du pays asiatique.

Tencent au secours du jeu vidéo occidental

Le jeu vidéo lui ouvre grandement ses portes en début des années 2000, bien aidé par la loi chinoise qui empêche un acteur étranger d'être complètement maître des actifs qu'il souhaite lancer dans le pays. On voit débarquer Counter Strike en 2007, édulcoré de sa violence et ainsi adapté au public chinois.

Mais c'est le rachat de Riot Games, concepteur de League of Legends, qui va marquer les esprits en 2015, ainsi que l'achat de 40% des parts d'Epic Games, à qui l'on doit Fortnite et le moteur Unreal Engine utilisé par de nombreux jeux. Puis en 2016, Supercell (Clash of Clans) tombe sous son escarcelle.

Mais au fur et à mesure des années, Tencent va aussi devenir un véritable partenaire pour des studios et éditeurs de jeux vidéo occidentaux qui sont en difficulté. C'est par exemple ce qu'il fait avec Ubisoft, quand il accepte de prendre 5,9% du capital du groupe français et 49,9% de la holding détenue par les patrons, les frères Guillemot, afin d'éviter un rachat hostile de la part de Vivendi, qui s'est déjà emparé de force de sa filiale mobile, Gameloft.

Puis s'en suit Activision - dont les parts seront revendues après le rachat de l'éditeur par Microsoft, Krafton (PUBG), Platinum Games (Bayonetta) ou encore From Software (Elden Ring).

Le studio français Don't Nod, auteur notamment du très populaire Life Is Strange, a aussi vu Tencent débarquer pour s'offrir 42% de son capital. Une présence chinoise qui pourrait s'accentuer à la vue des performances décevantes de ces derniers mois pour le studio français. Mercredi, une suspension du cours de bourse a même laissé croire, pendant quelques heures, à un rachat complet.

Ubisoft, de nouveau en difficulté après plusieurs échecs successifs et le report d'Assassin's Creed Shadows, pourrait aussi être au menu de Tencent pour éviter une possible déroute boursière, et donc financière. Pour le moment, un accord entre les deux géants gèle les positions jusqu'en 2030 même si Tencent peut, selon une clause au contrat, augmenter son capital pour éviter une nouvelle OPA hostile (type Vivendi) contre Ubisoft.

 Ubisoft : les rumeurs de rachat se précisent – 07/10
Ubisoft : les rumeurs de rachat se précisent – 07/10
23:48

La Chine face au géant Tencent

Au-delà du jeu vidéo, Tencent est partout: réseau social (avec des parts dans Snapchat et Discord), industrie musicale (Universal Music), cinéma (Skydance), voitures électriques (Tesla) et l'esport.

Dans le cinéma, sa filiale Tencent Pictures a permis notamment la sortie en Chine d'énormes productions américaines comme Warcraft: Le Commencement, Kong: Skull Island et Wonder Woman, avec à chaque fois quelques conditions comme la présence d'un acteur chinois bien connu du public local au casting.

Mais l'éditeur chinois, véritable ogre technologique, doit parfois apprendre à se tenir, notamment face aux autorités chinoises, qui voient d'un mauvais oeil le pouvoir que sont en train de prendre certains conglomérats du pays. Même si ses prises de participations à travers le monde joue le jeu du "soft power" chinois, cela n'empêche pas le régime de freiner certaines de ses ardeurs. L'état reste maître des agissements de Tencent, par exemple en empêchant des fusions ou des achats de concurrents.

Notons toutefois que Tencent n'est pas le seul géant chinois à s'intéresser aux actifs occidentaux ou français. En 2022, Netease, son concurrent, s'est ainsi offert le studio français Quantic Dream, à qui l'on doit Heavy Rain et Detroit: Become Human. La bataille vidéo ludique de l'empire du milieu ne fait donc que commencer...

Sylvain Trinel