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"C’était plein de choses à la fois": comment l'arrivée de "Destiny" a marqué le jeu vidéo

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Alors que l’ultime chapitre de l’histoire de Destiny sort ce mardi 4 juin sur PC, Xbox et Playstation, retour sur ce qui a permis à la saga de devenir une figure majeure du jeu vidéo.

Quasiment dix ans après ses débuts, la saga Destiny s’apprête à signer ce qui sera l’ultime chapitre de son histoire débutée en 2014, avec son extension baptisée La Forme Finale. Derrière le titre, un studio bien connu des joueurs, Bungie, à qui l’on doit une autre franchise majeure, celle de Halo.

Quitter Halo pour entrer dans la légende

Lorsque Bungie démarre ses travaux sur Destiny, Halo 3 ODST n’est pas encore sorti, ni même Halo Reach. Pour autant, le studio cherche à convaincre Microsoft de les suivre dans ce projet un peu fou. Manque de chance, les deux parties se séparent à l’amiable, et Bungie signe alors chez Activision-Blizzard un contrat XXL, portant sur dix ans, pour proposer aux joueurs une toute nouvelle saga.

L’histoire de Destiny est singulière, puisque le jeu apporte dans ses bagages un genre jusqu’ici peu - si ce n’est pas du tout - exploré par le milieu: le jeu à services. Autrement dit, un jeu qui continue à recevoir des mises à jour après la sortie officielle, et ce, sur plusieurs années. Extensions, DLC, contenus saisonniers, Destiny va donner le sens de la marche à des centaines d’autres productions comme Fortnite, Call of Duty et, la boucle est bouclée, Halo Infinite.

Beaucoup de studios ont tenté l’aventure du jeu à services, et beaucoup n’ont jamais réussi, d’abord à capter l’attention des joueurs, mais surtout à se trouver des développeurs justement faits pour réaliser ces jeux. Bioware (Anthem), Crystal Dynamics (Marvel’s Avengers) ou encore Warner Bros (Suicide Squad)… la liste est longue et les victimes nombreuses.

Mais qu’est-ce qui explique le succès de Destiny? Sa place de premier de cordée y est sans aucun doute pour beaucoup, mais c’est aussi sa communauté qui en parle le mieux.

Pour Tech&Co, la streameuse spécialiste de Destiny, Morrigh4n, explique que c’est "son mix unique qu’il n’y avait pas à l’époque, où il mélangeait des éléments de jeux de rôle, d’exploration et de jeu de tir. C’était plein de choses à la fois. Il était unique en son genre, avec son univers qui peut parler à pas mal de gens, de l’aventure dans l’espace."

"Forger son propre destin"

"Il y a une phrase de Destiny 1 qui n’était pas prévue mais bien réfléchie par la personne qui l’a mise en jeu," raconte Tyson Green, directeur créatif chez Bungie, "elle résonne pour beaucoup de joueurs de Destiny et pour moi en tant que personne, cette phrase est ‘les gardiens créent leur propre destin”, ça me donne des frissons."

Créer son propre destin, c’est en effet l'apanage de la saga toute entière, "un point essentiel" même pour le studio qui lui a donné vie. Sur bien des manières, l’aventure de Destiny n’a pas été qu’un long fleuve tranquille. Bungie a dû faire face aux exigences toujours plus fortes d’Activision qui voulait faire de la licence son nouveau Call of Duty, créant des déceptions chez les joueurs. Un divorce mouvementé plus tard - et même célébré par les équipes en interne - Bungie s’en allait seul sur un chemin tortueux.

"On n’a pas tous la même idée du très bas de Destiny comme le plus haut, ce sont les goûts de chacun, mais on peut se mettre d’accord sur certains éléments sur lesquels ça n’allait pas," confie Morrigh4n, qui a su tenir grâce à son métier de streameuse, qui lui permettait de faire d’autres jeux lorsque Destiny tombait dans une certaine monotonie.

Retards, manque de contenu, lorsque Bungie quitte le giron d’Activision au beau milieu de l’exploitation de Destiny 2, le chantier est immense, notamment pour reconquérir des fans déçus de la direction prise par le titre. Est alors imaginé un système saisonnier pour ne plus être figé par la sortie de DLC et d’une extension annuelle.

Destiny 2: La Forme Finale
Destiny 2: La Forme Finale © Bungie

"A chaque mise à jour majeure, on y revient, on se sent comme à la maison en quelque sorte, l’univers y est pour beaucoup," explique Morrigh4n. "On a aussi cette liberté dans l’approche que l’on a avec le jeu, il y a des moments où je suis seule, mais d’autres vont préférer faire du compétitif ou rejoindre son clan pour des parties de raids avec ses énigmes."

Des joueurs interrogés par nos soins, tous s’accordent à confirmer la phrase de Tyson Green: être maître de son destin.

Une communauté soudée et écoutée

Bungie doit d’ailleurs beaucoup à sa communauté, où qu’elle soit dans le monde. Conscient que sans elle, le studio n’en serait probablement pas là aujourd’hui: "Ce qu’ils perçoivent, c’est la passion. Ce qui compte pour eux, c’est que les joueurs soient passionnés, avec des fanarts, des vidéos, etc. Ils apprécient le fait qu’on se crée une communauté à part entière en quelque sorte," énonce Morrigh4n.

Celle qui a pu rencontrer les développeurs il y a quelques semaines, confirme: "Ce qui m’a frappé, c’est que les développeurs étaient très disponibles, et surtout qu’ils étaient de très gros joueurs de Destiny, je ne me souviens pas avoir vu ça lors de rencontres passées avec d’autres studios, c’est probablement ça qui va contribuer à la réussite de cette dernière extension."

Si chaque année, l’extension vient démarrer une nouvelle année de contenu, les joueurs profitent entre temps de mises à jour qui font évoluer l’histoire. Histoire qui nous mène, dix ans après ses débuts, à un point d’orgue attendu: celui de l’ultime combat de la lumière et des ténèbres.

Destiny nous place en effet dans un monde dévasté, qui a traversé plusieurs âges, dont celui de l’expansion de l’espèce humaine à travers toute la galaxie, mais aussi celui du chaos, lorsque les ténèbres, l’ennemi tout puissant de la saga, découvrent la voie lactée et ses environs. Une quasi-extinction plus tard, la lumière reprend petit à petit ses droits, et avec elle ses gardiens en compagnie du Voyageur, une forme ronde s’installant sur Terre pour la protéger.

En tant que gardien, le joueur doit alors venir à bout des menaces en compagnie de personnages charismatiques. Si au début de l’épopée, Destiny manque cruellement de forme en dépit d’un fond prenant, Bungie modifie son approche au fil des années pour proposer du contenu plus accessible tout en revoyant sa manière de raconter des histoires.

Destiny 2: La Forme Finale
Destiny 2: La Forme Finale © Bungie

Cela n’a cependant pas empêché la franchise de véritablement imposer son style. Les cinématiques, qui ne sont pas une habitude du studio, font souvent place à de la narration environnementale. Pas besoin de pointer du doigt l’objectif aux joueurs, des lumières et des sons viennent discrètement les guider ou aiguiser leur curiosité avec, à la clef, la suite du récit ou de quoi améliorer son personnage.

La formule de Destiny fonctionne aussi grâce à ses défis, et ils sont nombreux. Les plus marquants sont évidemment les raids, de très longues instances nécessitant six joueurs coordonnés face à des adversaires très puissants et des puzzles parfois très alambiqués. Chaque année, de nouveaux défis attendent les joueurs, mais celui de La Forme Finale, dernière extension de dix ans d’épopée, prévue ce mardi 4 juin, a une saveur particulière.

Une fin inéluctable mais attendue

"Même si Bungie n’a jusqu’ici jamais confirmé qu’il s’agissait de la fin de l’histoire, on sait quand même que ce sera la conclusion du combat entre la lumière et les ténèbres, c’est donc la fin de quelque chose," estime Grégory, joueur de longue date, et qui espère voir dans cette ultime tour de piste "la réponse à toutes mes questions."

Car de questions, il y en a encore beaucoup. Si depuis trois ans, Bungie a cherché à lever le voile que le studio avait placé lors des premières années, certaines interrogations demeurent, et c’est aussi cela que les fans attendent de pied ferme:

"Sans pour autant avoir été un professionnel de l’histoire, j’ai envie de voir comment Bungie va terminer son récit, ils n’ont pas le droit à l’erreur," confie un responsable de clan à Tech&Co.

De fait, dix ans, c’est long et la conclusion doit être épique. Pour cette raison, et aussi à cause de licenciements qui ont touché Bungie ces derniers mois, deux ans après un rachat rocambolesque par Playstation, l’extension La Forme Finale, un temps attendue pour février, a été reportée à juin 2024. A l’époque, le studio avait indiqué vouloir proposer une aventure à la hauteur des enjeux, conscient sans doute que quelques mois supplémentaires pour dire un certain au revoir n’étaient probablement pas de trop.

Destiny 2: La Forme Finale
Destiny 2: La Forme Finale © Bungie

"Je pense qu’avec La Forme Finale, on va avoir des moments forts, mais je suis plutôt détendue vis-à-vis de cette attente, car tout fonctionne. Je me suis fait la réflexion qu’il va y avoir un avant et un après cette extension, pour repartir sur autre chose," confie Morrigh4n avec une pointe d’émotion.

Émotion aussi pour Clara, joueuse depuis l’arrivée de Destiny 2: "Ça fait sept ans pour moi, je sais qu’il va falloir dire au revoir à un moment, mais j’ai du mal à me préparer, et ce sera difficile de dire au revoir à certains personnages qui m’accompagnent depuis 2017."

Verdict ce mardi 4 juin à 19h, heure à laquelle Destiny 2: La Forme Finale sera officiellement disponible.

Sylvain Trinel