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Etats-Unis: la police de l'immigration va finalement utiliser les données de géolocalisation de centaines de millions de smartphones dans sa chasse aux immigrés illégaux

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Contrairement à ses premières déclarations, la police de l'immigration (ICE) aux Etats-Unis utilise un outil permettant de traquer les smartphones de centaines de millions de personnes.

L'ICE, la police américaine de l'immigration, franchit une nouvelle étape pour répondre aux exigences de Donald Trump en matière de lutte contre les migrants illégaux. Dans des documents révélés par 404 Media, il apparaît que l'organisme fédéral a désormais accès à des "centaines de millions" de données portant sur la géolocalisation des smartphones utilisant le réseau mobile américain.

Pour ce faire, l'agence américaine s'est offert un outil de surveillance très puissant qui permet de collecter chaque jours des milliards de données en provenance de centaines de millions de téléphones portables. Un outil "tout-en-un" qui peut aussi bien vérifier le réseau télécom, que les réseaux sociaux.

Une révélation surprenante alors que l'ICE avait annoncé avoir mis fin à cette pratique sous l'ère Biden, qui ne nécessite aucun mandat ni ordonnance du tribunal.

Des applications "normales" récupèrent des données en masse

C'est Penlink qui est à l'origine de cet outil. Cette entreprise, qui a fait de la surveillance de masse sa spécialité, se targue de pouvoir proposer une plateforme propriétaire compilant, traitant et validant des milliards de signaux de localisation au quotidien. Elle peut en outre réaliser des analyses forensiques et prédictives.

Selon Forbes, 5 millions de dollars ont été dépensés pour disposer de cet outil, accessible grâce à deux produits commercialisés par Penlink, Tangles et Webloc.

Selon le document révélé par 404 Media, l'ICE justifie cet achat par les "importants défis opérationnels" auxquels les agents de l'immigration seraient confrontés. Sans cet outil, il serait ainsi impossible de prévoir certains comportements de la part de migrants supposément arrivés illégalement sur le sol américain.

L'ICE a néanmoins décliné l'offre d'une autre entreprise, Babel Street, qui commercialise un outil permettant de suivre à la trace un utilisateur. Mais comme l'avait constaté plusieurs médias, il permettait aussi de dévoiler si une personne sortait de lieux sensibles (cliniques d'avortement, lieux de culte...).

Un procédé potentiellement illégal

Penlink a réussi à agglomérer ces éléments grâce à l'achat (puis la revente) de données de localisation précises, permises par de nombreuses applications classiques réclamant qu'un utilisateur partage le lieu où il les utilise. La publicité est aussi un point d'entrée, à la différence qu'elle est plus insidieuse puisque transparente pour l'utilisateur.

Le département de la Sécurité intérieure n'a pas souhaité confirmer l'achat d'un tel outil, voyant dans l'enquête publiée un moyen de "diaboliser" les gens de l'ICE.

Ces derniers sont régulièrement sous le feu des critiques en raison de leurs méthodes musclées pour arrêter des migrants aux Etats-Unis, porté par un Donald Trump qui en a fait l'un de ses principaux arguments de campagne. Dans tous les Etats-Unis, y compris dans les villes "sanctuaires" (ou les autorités locales ne collaborent pas avec l'ICE), la police de l'immigration réalise des rafles massives, notamment devant des entrepôts ou des usines, où se massent des personnes ne possédant pas forcément la nationalité américaine.

L'achat de cet outil interpelle néanmoins, car il pourrait s'avérer illégal. Lorsque le Wall Street Journal avait révélé une affaire similaire en 2022, un rapport de 2023 de l'inspecteur général du département de la Sécurité intérieure avait confirmé que les différentes agences avaient enfreint la loi en raison d'un manque de sécurisation de ces données. Le rapport n'avait pas pu établir que ces données avaient été utilisées de manière appropriée.

Sylvain Trinel