Pétitions en ligne: acte citoyen ou inutile, à quoi ça sert de les signer?

La pétition "Non à la taxe Windows!". - Capture d'écran / HOP
Ce mardi 15 septembre, l'association HOP (pour Halte à l'Obsolescence Programmée) et 21 autres organisations et entreprises françaises de défense des consommateurs et de l'économie circulaire se sont réunies pour lancer une pétition.
Objectif: obliger Microsoft à continuer de fournir des mises à jour gratuitement aux utilisateurs de Windows 10. L'entreprise va en effet mettre un terme aux mises à jour gratuites de son OS à partir du 14 octobre. Les machines concernées, et toujours parfaitement fonctionnelles, seront alors exposées à des risques en matière de sécurité. Elles deviendront du jour au lendemain obsolète.
Disponible sur le site de l'association HOP, cette pétition, baptisée "Non à la taxe Windows!", a déjà collecté plus de 300 signatures à l'heure où sont écrites ces lignes. Mais la question se pose de savoir si cette pétition, comme tant d'autres, permettra de changer les choses. Autrement dit, lancer et surtout signer une pétition sur internet, est-ce vraiment utile?
Plateformes labellisées
De nombreuses pétitions en ligne sont lancées chaque année. Si certaines récoltent des milliers voire des millions de signatures, d'autres peinent à en obtenir. Mais contrairement à ce que l'on peut croire, ce n'est pas parce qu'une pétition est populaire qu'elle permet de changer les choses.
Comme le rappelle Vie publique sur une page dédiée, "une pétition n'a pas de valeur juridique. Elle reflète l'opinion d'une personne ou d'un groupe de personnes". Autrement dit, malgré un cumul de signatures symbolique, il n'y a aucune contrainte juridique. Une pétition "peut cependant alerter l'opinion, les médias, interpeller les pouvoirs publics et permettre d'ouvrir le débat", souligne néanmoins le site de référence sur l'actualité des politiques publiques et le fonctionnement des institutions françaises et européennes.
Dans le détail, plusieurs critères sont à prendre en compte, à commencer par la plateforme sur laquelle la pétition est lancée. Onparticipe.fr, Change.org, Avaaz... sont les plus connues sur le web, toutes ne sont pas égales, et ce pour plusieurs raisons. La première est que seulement trois de ces plateformes sont labellisées par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui conseille le gouvernement et le Parlement. Il s'agit de Change.org, Avaaz et Mesopinions.com.
Lancer des pétitions sur l'une de ces plateformes permet ainsi d'interpeller directement le Cese. Mais ce n'est pas pour autant qu'il agira. "Le Conseil pourra rapidement détecter les pétitions qui concernent son champ de compétence et décider ou non de se saisir du sujet", précise-t-il sur une page dédiée de son site.
Un pari pas toujours payant
Outre les trois sites labellisés par le Cese, le Parlement propose aussi des plateformes dédiées aux pétitions. Il en existe deux: une lancée par l'Assemblée nationale et l'autre par le Sénat. Elles peuvent être un moyen pour les citoyens de mieux faire entendre leurs voix auprès des politiciens, en fonction de certains critères.
Dans les deux cas, il faudra d'abord que la pétition déposée soit jugée recevable et pour cela, elle doit être rédigée en français et ne pas comporter de contenus problématiques (diffamation, discrimination, incitation à la violence, etc.). Dans le cas de l'Assemblée nationale, elle ne sera prise en compte qu'à partir du moment où elle compte au moins 100.000 signatures, après ce contrôle de recevabilité.
Mais elle n'aboutira pas pour autant à des changements, car il appartient alors au député-rapporteur de la commission à laquelle la pétition a été attribuée de choisir entre l'examiner, étape qui est suivie d'un rapport parlementaire, ou la classer, ce qui revient à la fermer à la signature.
"Un député peut demander à la Conférence des présidents et dans les huit jours suivant le classement qu'une pétititon classée fasse l'objet d'un débat en séance publique", souligne néanmoins Vie publique.
Cette même Conférence est également autorisée à organiser un tel débat pour une pétition comptant "au moins 500.000 signatures, issues d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer". Une décision qu'elle prend seule, avec aucun recours possible.
Autrement dit, lancer une pétition sur la plateforme de l'Assemblée nationale n'est pas toujours payant. Ayant recueilli plus de deux millions de signatures, celle contre la loi Duplomb sera présentée en commission le 17 septembre. Celle-ci décidera de l'examiner ou de la classer. Dans le premier cas, son étude devrait se faire "début octobre", comme l'a lindiqué sa rapporteure, Hélène Laporte à l'AFP.
De même, dans le cas du Sénat, une pétition ne sera saisie par la Conférence des présidents que si elle a été signée par au moins 100.000 personnes dans les six mois et qu'elle présente "un intérêt particulier pour [ses] travaux". À partir de là, elle pourra décider de donner suite à la pétition, en constituant une mission d'information, une commission d'enquête ou encore un débat public. Mais il est aussi possible qu'elle soit fermée, notamment si son objet est identique à des travaux en cours du Sénat.
Ainsi, même si les pétitions peuvent avoir une certaine portée, en lancer et signer une est loin d'être un pari gagnant. Si les chances sont plus élevées sur certaines plateformes, il ne faut pas oublier que la décision finale revient à l'Assemblée nationale ou au Sénat, qui peut choisir de ne rien faire, même si une pétition connaît une sacrée popularité.
HOP, un cas à part ?
Dans le cadre de la pétition lancée par l'association HOP et ses 21 alliés, la situation est légèrement différente. Certes, l'association héberge sa pétition sur son site, mais comme nous l'explique Laetitia Vasseur, déléguée générale de HOP, ce choix a été fait pour deux raisons. La première est que "nous voulions envoyer un signal fort sur l'obscolescence de ces appareils, avec toutes les organisations qui font partie de la coalition." Et pour cela, il faut que la pétition s'inscrive sur le site de HOP. La deuxième est que "nous sommes toujours en lien avec le Cese, et que le plaidoyer fait vraiment partie de la stratégie de cette pétition." Or, conclut Laetitia Vasseur, qui a déjà à son actif la création du délit d'obsolescence programmée il y a dix ans, "nous sommes des professionnels du plaidoyer, c'est quelque chose que nous savons faire". Comprenez que la pétition n'est qu'un début, qu'une première étape dans un long processus, qui ira de la sensibilisation du grand public à un processus législatif. Signer cette pétition, c'est donc donner plus de poids, plus d'allant à un long combat qui ne fait que commencer et sera porté jusqu'au bout.