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Les patrons de clubs libertins attaquent en justice des sites de rencontre pour concurrence déloyale

Une femme (image prétexte).

Une femme (image prétexte). - Photo par BENOIT BACOU / Photononstop / Photononstop via AFP

Le patron d'une boîte échangiste a engagé une procédure contre les sites Wyylde et Gleese, qui permettent à des couples libertins de se rencontrer et d'organiser des soirées plus intimes.

Les sites de rencontre et leurs fonctions d'organisations de soirées privées font-ils de l'ombre aux clubs libertins? C'est en tout cas ce que pense le patron de la boîte échangiste Strip, qui a décidé d'engager une procédure contre deux de ces plateformes, rapporte Le Parisien.

Associé à la fédération Sneg (Syndicat national des entreprise gaies), qui défend notamment les établissements libertins officiels et légaux, il reproche aux sites Wyylde et Gleese de concurrence déloyale car ils permettent d'organiser des soirées libertines.

Ces deux plateformes ont trouvé leur public parmi les habitués de ces fêtes qui se sont envolées lors du Covid, alors que les clubs étaient fermés. La première, qui revendique six millions de comptes en France, comptabilise quelque 700.000 visites par jour. Sur cette plateforme, comme sur l'autre, des centaines de couples libertins se rencontrent, dont certains organisent des soirées chez eux ou dans un appartement qu'ils ont loué, à Paris ou en proche banlieue. Entre cinq et dix se tiennent chaque soir rien qu'en région parisienne.

"Il y en a tous les jours et, partout, c'est une concurrence déloyale, ce qu'ils font est totalement illégal et impacte fortement la fréquentation de tous les clubs libertins de Paris et sa banlieue", a fustigé le gérant de Strip.

Un coût bien moins élevé

Les organisateurs de ces soirées proposent des prix moins élevés que les clubs libertins. "C'est une activité qui finit par coûter cher, on dépensait entre 400 et 500 euros par mois lorsque nous sortions en club chaque semaine", révèle au Parisien Alain, qui fréquente le milieu libertin depuis plus de dix ans.

À titre de comparaison, l'entrée des soirées organisées via Wyylde ou Gleese, est facturée à 50, 70 ou 100 euros, avec les personnes conviées qui ne viennent pas les mains vides. Un couple a par exemple loué un loft parisien pour deux soirs à "un peu moins de 600 euros" pour un anniversaire. Chaque soirée a réuni une centaine de personnes, qui devaient apporter une bouteille de champagne.

La plupart des organisateurs se contentent de fournir le lieu, quelques petits fours et des bouteilles d'alcool fort. Uns soirée leur rapporte ainsi en moyenne entre 3.000 et 5.000 euros. Mais ces soirées représentent un véritable manque à gagner pour les clubs libertins, d'autant plus que les organisateurs ne payent pas de charges.

"Il est tout à fait légitime que des gens s'invitent entre eux et il y a aussi des gens sérieux qui ont monté des structures officielles qui ne posent aucun souci. Mais ceux qui s'improvisent organisateurs sans aucune obligation légale, aucune règle de sécurité et qui font tout payer en espèces sans déclarer ni salaires ni TVA posent un vrai problème d'iniquité. Nous sommes des PME étragnlées de charges quand eux échappent à tout", a déploré le patron d'un restaurant libertin.

Les organisateurs parviennent en effet à échapper à la loi, notamment en annonçant le prix d'entrée comme "une participation aux frais".

Une question de preuves

Comme d'autres, il reproche l'absence de réaction d'un point de vue légal dans ce milieu, surtout que certains gérants risquent la faillite. Le patron du Strip, qui a rappelé à la loi les sites Wyylde et Gleese par courrier, a par exemple alerté la mairie de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) cet été concernant des soirées organisées dans un pavillon du quartier du plateau d'Avron. Mais il n'a pas obtenu gain de cause.

"Vous estimez que ces soirées sont constitutives de plusieurs infractions (...) mais les policiers municipaux n'ont constaté aucun trouble à l'ordre public", lui a répondu le maire, Christian Demuynck (LR) en juillet, ajoutant qu'il "ne prendra pas de mesure, sauf s'il était saisi par le procureur".

"Le plus difficile est de réunir des preuves des diverses infractions", ont expliqué Me Gwenaëlle Philippe et Me Charlotte Devain, les avocates défendant les intérêts du club Strip. "Mais il y a sans aucun doute fraude fiscale, travail dissimulé et, évidemment, une concurrence déloyale", ont-elles ajouté. Or, le seul moyen de démontrer le bénéfice que les organisateurs tirent de ces soirées serait d'y participer. C'est le seul moyen d'avoir leur adresse et leur nom, ont précisé les avocates, car ils se cachent derrière des pseudos sur les sites web.

"Et la justice ne peut pas enquêter sur les centaines d'organisateurs qui récoltent quelques milliers d'euros chacun", ont-elles fait savoir. Raison pour laquelle le gérant du Strip veut obliger Wyylde et Gleese à réguler. La fédération Snef prévoit d'ailleurs d'entamer des actions judiciaires à l'encontre des organisateurs si elle juge la réponse des deux sites insatisfaisante. Elle saisira également la préfecture de police de Paris.

Kesso Diallo