Paupérisation des copropriétés: comment casser le cercle vicieux de la dégradation?

C'est un engrenage difficile à arrêter. "Une copropriété ne naît pas fragile, elle le devient", écrivent les sénatrices qui ont co-écrit le rapport de la commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés, publié le 18 juillet.
Amel Gacquerre (UDI), présidente de la commission, et Marianne Margaté (PCF), rapporteure, y décrivent la mécanique de dégradation des immeubles de copro. Il existe, selon elles, un faisceau de facteurs qui "s’alimentent et s’amplifient".
Le vieillissement des immeubles et les obligations de rénovation énergétique entrainent une augmentation des charges, de même que la hausse des prix du gaz et de l'électricité. Mécontents de devoir dépenser plus, certains peuvent bloquer les décisions, déclencher des conflits, ou simplement ne pas payer.
Cela entraîne la dégradation des locaux et la dévalorisation du bien, l’arrivée de copropriétaires plus pauvres mais aussi de marchands de sommeil qui amplifient le blocage et la dégradation pour mieux prendre la main sur la copropriété. Ces phénomènes peuvent aboutir à des situations d'habitat indigne.
Des copropriétés mal connues
Des difficultés que les pouvoirs publics ont du mal à détecter, selon le rapport. Les copropriétés privées en difficulté sont en effet difficiles à dénombrer. Près d'un tiers des résidences principales, soit environ 10 millions de logements, sont en copropriété, et près d'un million de ceux qui y habitent sont modestes ou très modestes,
Selon l’Anah, environ 115.000 copropriétés seraient fragiles et les plus petites (moins de 12 logements) représentent les 4/5 des plus fragiles d’entre elles. "Une estimation qui apparaît toutefois sous-évaluée aux vues du manque d'exhaustivité des registres", explique la sénatrice Marianne Margaté. Elle appelle à améliorer le registre d'immatriculation.
Les petites copro dans l'angle mort
Pour les grands ensembles, les difficultés sont identifiées et des dispositifs d'ampleur existent, notamment les Orcod (opérations de requalification de copropriétés dégradées) ou Pic (plan initiative copropriétés).
À l'inverse, "les petites copropriétés, quelle que soit la taille des communes, sont bien dans un angle mort des politiques publiques actuelles", affirme le rapport.
Afin de mieux détecter les difficultés des petites copro, la commission d'enquête propose de développer les dispositifs "d’aller vers". Elle souhaite aussi généraliser les "maisons de l’habitat".
Pour agir en amont et prévenir les impayés, elle propose d'intégrer les charges de copropriété et les prévisions de travaux aux normes du HCSF dans le calcul du taux d’effort des ménages. Les sénatrices appellent également à généraliser la mensualisation des charges.
Revoir les règles de prise de décision du conseil syndical
Elles recommandent aussi d'augmenter les moyens dédiés aux opérations de réhabilitation des copropriétés dégradées, et de les élargir à l'habitat pavillonnaire ou aux petites copropriétés. Pour aider les plus pauvres face à l'augmentation des charges, une des propositions est de faciliter le recours aux fonds de solidarité pour le logement (FSL).
Pour les dépenses de rénovation énergétique, le rapport préconise d'élargir les aides de l’Anah aux copropriétés comptant moins de 75 % de résidences principales et aux petites copropriétés. La création d'une banque de la rénovation et de la copropriété est aussi plébiscitée.
Enfin, le rapport espère fluidifier la prise de décision au sein des conseils syndicaux afin d'éviter les blocages. Pour cela les sénatrices souhaitent la généralisation d'un règlement de copropriété type.
Elles ambitionnent aussi de renforcer le droit de vote des propriétaires occupants, et de limiter celui des copropriétaires "présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges" ou n'assistant pas aux assemblées générales.
La Chancellerie, réputée rétive à réformer les règles touchant à la propriété, a été sondée, et "il y a en effet une grande vigilance de sa part", a reconnu la rapporteure, tout en estimant avoir reçu "une écoute assez attentive".