BFM Immo
Rénovation Et Travaux

"On espère que ça a suscité des vocations": comment le chantier de Notre-Dame a mis en valeur les métiers du bâtiment

placeholder video
Pendant cinq ans, le grand public a pu découvrir le travail des tailleurs de pierre, des verriers ou des charpentiers... L'occasion pour les professionnels de la restauration de patrimoine de mettre un coup de projecteur sur ces métiers aux savoir-faire ancestraux, et d'espérer recruter de nouveaux talents.

Ils et elles sont cordistes, échafaudeurs, charpentiers, archéologues, dinandiers, verriers, facteurs d’orgues, carriers... Pendant cinq ans, plus de 2.000 femmes et hommes se sont affairés sur l'une des plus grandes restaurations de patrimoine que la France ait connu. Un chantier hautement symbolique, qui a permis de braquer les projecteurs sur ces métiers méconnus du grand public.

"Au départ, quand Notre-Dame a brûlé, le gouvernement avait peur qu'on n'ait pas les bras pour reconstruire", se souvient Richard Boyer, président du GMH, le Groupement des entreprises de restauration de monuments historiques. "Avec nos 260 entreprises et nos 10.000 salariés, on les a rassurés."

"On avait largement les capacités de répondre à l’enjeu", assure-t-il à BFM Business.

Pendant cinq ans, le grand public a pu suivre l'avancement des travaux, et découvrir les métiers de la rénovation patrimoniale. L'établissement public créé spécialement pour chapeauter cette reconstruction a particulièrement communiqué sur les ouvriers et ouvrières du chantier.

À travers des vidéos portraits, on a ainsi pu suivre Lou, charpentière, partir en forêt à la recherche de l'arbre parfait. On a vu Blaise, échafaudeur, monter les poteaux et les barres jusqu'au sommet de Notre-Dame. Et on a admiré Danaë, sculptrice de pierre, tracer des lignes, des courbes et des volumes pour reproduire les gargouilles qui ornent la cathédrale.

"Un engouement de toute la profession"

Ce chantier, fondé sur la rénovation à l'identique de la charpente et de la flèche avec des matériaux d'origine, est devenu "un aspirateur à talents", assure François Asselin, patron d'une entreprise de menuiserie et de charpente spécialisée dans la restauration de monuments historiques, qui participe au chantier de Notre-Dame.

"C'est l'occasion rêvée de bien former les apprentis sur les techniques de restauration du patrimoine", assure celui qui est aussi président de la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

"Dans nos métiers, on a du personnel très impliqué", se réjouit Richard Boyer. "Il y a eu un engouement de toute la profession autour de ce chantier." Il raconte que certains ont quitté leur emploi pour venir travailler sur le chantier, que des entreprises qui n'interviennent d'ordinaire pas en région parisienne ont fait le déplacement exprès.

"Attirer les jeunes"

"Il y a une vraie volonté de partager leur travail, de montrer ce qu'il se passe sur le chantier, ça permet aussi d'attirer les jeunes", souligne Richard Boyer. Car l'objectif est aussi de faire connaître ces métiers, pour recruter.

"Le fait d’avoir une médiatisation à échelle nationale, on espère que ça a suscité des vocations."

Même si chiffrer l'effet Notre-Dame sur les recrutements reste difficile, Richard Boyer l'assure, "ça ne peut avoir qu’un impact bénéfique". "On a vu venir des candidats dans le secteur du bois, les centres de formation en menuiserie-charpente sont pleins!", se réjouit-il.

Il note aussi l'arrivée de nombreuses personnes en reconversion: "Ce sont des gens qui ont eu toutes sortes de carrières avant, des dentistes, des avocats, des militaires, et qui ont envie de toucher la matière, de pouvoir palper le fruit de leur travail", explique le président du GMH. En revanche, selon lui, pour les métiers plus physiques et contraignants comme la maçonnerie, la fréquentation reste la même.

Cet incendie "a permis de mettre un éclairage très particulier sur les métiers de la restauration" et "nous a permis d'être beaucoup plus attractifs auprès des jeunes, qui ont vu dans les métiers du patrimoine un débouché", abonde François Asselin.

Continuer à investir

Il souligne que "le savoir-faire de ces artisans rayonne bien au-delà de la France". "Quand je fais une tournée aux États-Unis, je peux vous dire que tous les clients que je connais ne me demandent qu'une chose: 'parle-moi de Notre-Dame!'"

Mais pour préserver ces savoir-faire, Richard Boyer insiste sur l'importance d'investir dans la restauration du patrimoine en France. "Nous avons besoin de chantiers au quotidien pour pouvoir transmettre nos savoir-faire, pour qu'ils ne s'éteignent pas", résume-t-il.

"Sinon, c'est un peu comme un pianiste qui ne récite pas ses gammes."

François Asselin insiste sur l'impact des dispositifs d'aide à la rénovation, comme ceux de la Fondation du patrimoine, qui peuvent contribuer à la sauvegarde du patrimoine français via le financement participatif et le mécénat d'entreprise. "Le marché de la restauration du patrimoine est très dépendant, de façon directe ou indirecte, d'une volonté de l'État", conclut François Asselin.

Marine Cardot avec AFP