Joole, cet outil qui veut fiabiliser vos DPE

DPE, trois lettres qui ont un pouvoir considérable. En fonction du classement du diagnostic de performance énergétique de son logement, un propriétaire pourra se retrouver avec une interdiction totale de louer son bien ou des milliers d'euros de travaux de rénovation. Un poids énorme donc. Pourtant, sa fiabilité est de plus en plus pointée du doigt. Si jusqu'à présent c'étaient les professionnels de l'immobilier qui la dénonçaient, c'est maintenant une instance plus officielle, à savoir le Conseil d'analyse économique.
Un manque de fiabilité tellement décrié que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et le Premier ministre Gabriel Attal ont tous deux annoncé qu'il serait revu et simplifié, ce qui devrait être le cas mi-février. Une entreprise, Joole, a pris les devants en prévoyant de devenir la nouvelle référence des diagnostics immobiliers. Nicolas Laloum, le fondateur, estime en effet qu'il est primordial d'ajuster la méthode actuelle (dite "3CL") pour les petites surfaces.
"Ces dernières sont défavorisées pour deux principales raisons. Tout d'abord, la consommation d'eau chaude sanitaire (on a besoin d'environ autant d'eau que pour un bien plus grand), mais la consommation étant ramenée au mètre carré, les petites surfaces se retrouvent fortement pénalisées. De plus, pour les petites surfaces, le ratio surfaces déperditives (pour simplifier les murs, le plafond et le sol qui séparent le logement de la surface extérieure non chauffée, NDLR)/surface habitable est bien plus grand que pour les petites surfaces. En effet, si on compare un 15m2 avec un 30m2, la surface des murs est à peu près identique alors que pour le 15m2 la surface habitable est deux fois moins grande".
Orienter les travaux de rénovation
Nicolas Laloum rappelle que le premier objectif du DPE est de fournir aux futurs acheteurs un bon indicateur pour comparer la performance des biens. Or aujourd'hui, un 15m2 correctement isolé et chauffé sera toujours classé E, F ou G.
"Cela signifie que pour les petites surfaces, on ne réfléchit plus sur une échelle de A à G mais de E à G. Alors qu'un même bien un peu plus grand et tout aussi correctement isolé peut tout à fait être classé C ou D. Cela veut dire qu'un acheteur qui voit deux biens correctement isolés à la vente, l'un de 15m2 et l'autre de 30m2, ne peut pas réellement comparer leur performance grâce au DPE. Alors qu'on ne rencontre absolument pas ce problème si on compare un bien de 80m2 avec un de 100m2".
Le second objectif est évidemment d'orienter les travaux de rénovation. "Là encore, veut-on pousser les gens à rénover leur 15m2 au-delà du raisonnable? Ou est-ce que l'on préfère plutôt mettre l'accent sur les habitations qui consomment le plus dans l'absolu (et non par mètre carré)?"
Il devient urgent de changer la méthodologie de calcul du DPE pour le rendre plus juste, mais pour Nicolas Laloum, quelle que soit la méthode de calcul il faudrait surtout réussir à réduire le volume d'erreurs lors de la réalisation des DPE. Il en veut pour preuve l'étude sur la fiabilité des DPE réalisée par Joole*. Lors de cette étude, Joole s'est intéressée à deux données d’entrée: la période de construction du bien, et le type de chaudière (lorsque cette dernière est collective). Et il en ressort que 20% des DPE réalisés à Paris en 2023 contiennent une erreur sur au moins l’une des deux données d’entrée regardées. Dans 11% des DPE, la période de construction du bâtiment est erronée. Et 21% des DPE relatifs à des biens avec une chaudière collective comportent une erreur sur le type de chaudière.
Une aide pour les diagnostiqueurs
Ainsi, 60% des erreurs sur les chaudières sont défavorables aux propriétaires. C’est-à-dire que, pour ces cas, le type de chaudière renseigné est sensiblement plus énergivore que le type réel de chaudière. Dans 62% des cas, les erreurs de périodes de construction sont défavorables aux propriétaires. C’est-à-dire que la période de construction renseignée est plus ancienne que la période de construction réelle.
"En effet, dans la modélisation utilisée pour le DPE (la méthode 3CL), de nombreuses valeurs dépendent de l’année de construction et aggravent la consommation finale avec l’ancienneté du bâtiment", précise Joole dans son communiqué.
Pourquoi de telles erreurs? "Les propriétaires ne sont pas suffisamment au fait et ne fournissent pas les documents demandés dans la plupart des cas. Du côté du diagnostiqueur, la pression concurrentielle sur le marché du diagnostic immobilier limite souvent le temps et les ressources disponibles pour mener une investigation minutieuse. D’autant plus quand cette dernière devrait aller au-delà de ses obligations légales (en palliant eux-mêmes le manque de documents fournis par le propriétaire par exemple)".
C'est pour cela que Nicolas Laloum a décidé de créer Joole, qui s'appuie sur deux grands axes. Tout d'abord, créer un réseau de diagnostiqueurs. Pour les particuliers, cela permettra de trouver un diagnostiqueur fiable et certifié, et dont les prix ne varieront plus de 200 à 900 euros pour une même prestation. Pour les diagnostiqueurs, cela permettra de pouvoir s'appuyer sur les expertises des uns et des autres en cas de doute. L'autre axe est de récupérer les données sur les logements. Des données publiques mais difficilement accessibles car éparpillées. "Aujourd'hui, quand un diagnostiqueur n'a pas la donnée demandée, il laisse un blanc. Avec Joole, une série de données seront déjà rentrées quand le diagnostiqueur arrive à l'adresse où le diagnostic sera réalisé", explique Nicolas Laloum.
*Méthodologie de l'étude:
- Pour les années de construction: Joole a comparé les données des DPE réalisés en 2023 (disponibles en open data) avec les données officielles de période de construction des bâtiments mis à disposition par différents organismes (l'Etat ou l'APUR par exemple).
- Pour les données de chaudières collectives: Joole a pris pour chaque bâtiment, le type de chaudière le plus représenté dans les DPE réalisés après 2021 comme étant le type de chaudière réel du bâtiment.
De là, Joole a comparé pour chaque DPE si la chaudière renseignée était celle qui était estimée pour le bâtiment. Il faut voir que cette méthode n'est pas exacte mais qu'elle est bonne car elle sous-estime systématiquement le nombre d'erreurs: en effet, soit le type de chaudière réelle estimée est le bon, et à ce moment là une erreur détectée est une réelle erreur. Soit le type de chaudière réelle estimé n'était pas le bon, mais cela signifie que la bonne chaudière est une chaudière encore moins représentée dans l'historique des DPE du bâtiment, et donc qu'il y a en réalité encore plus d'erreurs que ce qui a été détecté. En résumé, quand il est indiqué qu'il y a 21% des chaudières collectives erronées, c'est en fait au moins 21%.