
Artemis Protection
Guerre en Ukraine: la peur fait émerger un marché des bunkers pour les particuliers en France
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Pour la première fois, le risque nucléaire ne semble plus si improbable pour bon nombre de Français. Le marché des bunkers, qui n'existait pas dans notre pays jusqu'ici, commence à se réveiller, selon plusieurs entreprises françaises contactées par BFM Business. Il faut dire que la France est l'un des pays les moins bien équipés en la matière. Selon Artémis Protection, fabricant d'abris antiatomiques, la France compte seulement 1000 bunkers dont 400 privés et 600 militaires.
"Notre taux de protection est donc proche de 0%", explique Mathieu Séranne, directeur d'Artémis Protection.
"Nous sommes le deuxième pays qui compte le plus de réacteurs nucléaires derrière les États-Unis et paradoxalement nous sommes le pays qui prépare le moins sa population à un incident majeur".
Nos voisins européens mieux équipés
Car au-delà des États-Unis, où l'installation d'abris est presque culturelle, ou des pays davantage menacés à l'image d'Israël, beaucoup de nos voisins européens sont bien mieux équipés. La Suisse en particulier. Jusqu'à il y a peu, le pays imposait l'installation d'un abri antiatomique par logement construit. Ici le taux de protection est d'ailleurs au-delà des 100% de la population.
"Il y a des bunkers partout en Suisse dont la plupart sont des bunkers collectifs" témoigne Enzo Pétrone à la tête de l'entreprise de BTP Amesis qui fabrique des abris depuis une dizaine d'années en France.
La Finlande, la Suède et la Norvège sont également bien mieux équipées que la France avec un taux de protection de la population supérieur à 70%.
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De vrais "Blockhaus"
Les fabricants d'abris antiatomiques sont donc quasi inexistants en France car, jusque-là, le marché se limitait à des commandes publiques où d'entreprises concernées par des enjeux de protection. Amesis, entreprise généraliste dans le BTP, a une grande expérience en matière de bunkers avec des clients comme la Direction générale de l'Armement (DGA), Engie ou encore Airbus.
Sauf que depuis quelques jours, les commandes proviennent davantage de particuliers.
"Nous venons d'enregistrer une quinzaine de commandes en 4 ou 5 jours", raconte Enzo Petrone à la tête d'Amesis.
La société propose des abris en béton armé, "de vrais blockhaus", résume-t-il. Il assure au passage ne pas être pour l'instant touché par les problèmes d'approvisionnement en acier liés à la guerre et être en capacité de terminer les chantiers dans un délai moyen de 2 à 3 mois.



Des bunkers de 14 m² à 100m² voire plus...
Le modèle de base d'Amesis est un abri de 14m² avec système d'aération, lits superposés, toilettes à sec, béton brut. Un modèle sans options vendu à partir de 79.000 euros. Et c'est sur celui-ci que se ruent les français qui passent commande en ce moment.
Mais on peut évidemment personnaliser son bunker. Amesis propose un autre modèle de 26m² comprenant en plus l'eau potable, un groupe électrogène et l'aménagement pour 280.000 euros.
"En réalité tout est possible aujourd'hui", explique Enzo Petrone. "Un client à Cannes nous a commandé un abri de 100m² par exemple."
"Et puis en terme d'aménagement, on nous demande parfois des écrans sur les murs pour diffuser des images d'extérieur. Forêt, bord de mer... L'idée, c'est de faire comme si il s'agissait de fenêtres. On peut aussi mettre des écrans au plafond pour simuler le ciel. On peut vraiment tout faire."

Des abris métalliques préfabriqués
Des entreprises plus récentes se sont lancées sur ce marché de niche. À l'image d'Artémis Protection. Créée en janvier 2021, la société vend un système de module préfabriqué avec une structure métallique. Mathieu Séranne, qui dirige la société, met en avant son process de production unique qui, insiste-t-il, respecte les normes NRBC (Nucléaire, Radioactifs, Biologiques, Chimiques et Explosifs). Depuis une semaine, l'entreprise, qui partait littéralement de zéro, a reçu une dizaine de commandes.
Ses modules vont de 5 à 20 m². Celui de base fait précisément 6,7m² et les tarifs sont élevés. Comptez 149.000 euros pour ce module sans option. C'est-à-dire avec étude préalable des sols, installation, filtration d'air et sortie d'urgence mais sans aménagement intérieur.
Le module plus élaboré de 20m² peut multiplier les options: eau, groupe électrogène, couchage, espace cuisine et salle de bain. La facture grimpe tout de même à environ 300.000 euros.



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"En réalité c'est comme pour l'achat d'une voiture, on peut ajouter plein d'options", explique Mathieu Séranne, prenant en exemple une commande pour un bunker pouvant accueillir jusqu'à 14 personnes. "Là on va multiplier les modules pour atteindre une surface d'une centaine de m²", raconte-t-il. "Et la facture monte autour des 800.000 euros."


Des gens inquiets mais pas irrationnels
Derrière la naissance de ce marché du bunker en France, on peut s'interroger sur le profil des acheteurs. Les patrons d'Amesis et d'Artémis Protection réfutent l'idée qu'il ne s'agirait que de clients fragiles et plongés dans l'irrationnel ou d'adeptes du survivalisme.
"Dans notre carnet de commandes les profils sont très divers", témoigne Mathieu Séranne. "Nous avons des retraités, des médecins, des militaires et même des diplomates et membres de cabinets ministériels".
Le directeur d'Artémis Protection explique également que se faire construire un abri peut aussi être un investissement immobilier d'un nouveau genre. "Après tous, on créé de la surface habitable supplémentaire" dit-il.
En réalité il est assez difficile de connaître les propriétaires de bunkers. Et pour cause. "Tout doit rester confidentiel dans ce milieu", explique Enzo Petrone chez Amesis. Les techniques de construction évidemment mais surtout les lieux d'installation des abris antiatomiques.
"Le jour où il faudra s'abriter, ceux qui achètent craignent que voisins ou passants se ruent en masse dans leur bunker, pour la plupart incapables d'accueillir beaucoup de monde", nous dit Enzo Petrone.
D'ailleurs, précise-t-il, Amesis étant une entreprise globale dans le bâtiment, personne ne peut véritablement savoir la nature de nos chantiers".