Depuis la loi antisquat, les expulsions ont triplé

C'est peut-être une goutte d'eau dans la très épineuse crise du logement traversée par la France, mais les objectifs sont atteints : la loi "antisquat" promulgée en juillet 2023 a entrainé un triplement des expulsions, rapportent nos confrères du Parisien.
Le nombre de cas est passé de 101 en 2022 à 356 en neuf mois (entre septembre 2023 et mai 2024), selon une première estimation venue de 27 préfectures. La loi Kasbarian-Bergé a également permis d'augmenter l'efficacité des procédures, puisque le taux de suite favorables après une saisine des autorités est passé de 68 à 82%.
Le nombre de saisines lui-même a beaucoup augmenté : 432 ont été réalisées en neuf mois - soit une moyenne de 48 - contre 147 en 2022 - soit une moyenne de 12. Des chiffres qui permettent à la fois de percevoir l'efficacité de la loi, et d'en percevoir les limites : l'occupation illégale n'est pas un phénomène généralisé. Interrogée par le Parisien, l'Union nationale des propriétaires immobiliers parle ainsi "d'épiphénomène".
Les associations mobilisées
Le ministère du Logement insiste pourtant l'effet de confiance provoqué par ce type de mesures, alors qu'à l'inverse, les associations et collectifs déplorent des mesures trop autoritaires.
La Fondation Abbé Pierre évoquait par exemple les conséquences néfastes sur les plus fragiles de cette loi, au moment de son étude à l'Assemblée.
"Une somme de mesures régressives [qui] intervient dans un contexte de crises multiples (crise du logement, énergétique, économique, tensions sur le parc d’hébergement), et qui concourt à accentuer de manière exponentielle les difficultés pesant sur les ménages précaires, déjà fragilisés par les conséquences de la crise sanitaire."
Elle dénonçait des abus par les sociétés de gardiennage, et le fait que la loi permette de se passer d'une évaluation légale de la situation des "squatteurs" incriminés.
Plus récemment, au mois de juin, le "Collectif des associations unies" (CAU), qui regroupe 41 associations du logement et de l'hébergement, s'alarmait du record d'explusions atteint en 2023 (21.500 ménages) - dont une partie était attribué à la loi Kasbarian-Bergé, en parallèle de l'effet des JO ou de la hausse des impayés.
Les juges ne peuvent plus accorder de délai
Les règlements concernant l'occupation illégale n'ont fait qu'augmenter ces dernières années, avec une procédure d'évacuation par la préfecture mise en place en 2007, la protection des résidences secondaires en 2020.
La dernière loi durcit encore les règles en portant à 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende, en théorie, l'occupation illégalité d'un logement, avec violation de domicile. Tous les locaux comportant des meubles sont désormais inclus - surtout, la loi crée un délit d'occupation pour les tous les lieux "à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel". Les locataires restés dans un logement après un jugement d'expulsion sont ciblés par une nouvelle infraction, avec 7.500 euros d'amende.
La loi réduit aussi le rôle des juges, qui ne peuvent plus accorder des délais aux squatteurs. Un point particulièrement dénoncé par ses opposants, qui évoquent la présence parmi ceux-ci de familles en difficulté, de personnes âgées ou malades.