Prêts toxiques Helvet Immo: le procès en appel d'une filiale de BNP Paribas commence ce lundi

Plus de trois ans après avoir été lourdement condamnée, une filiale de BNP Paribas est jugée en appel à partir de lundi à Paris, soupçonnée d'avoir dissimulé les risques de ses prêts Helvet Immo, au préjudice de milliers d'emprunteurs.
BNP Paribas Personal Finance, connue en France sous la marque Cetelem, est rejugée jusqu'au 7 juin pour pratique commerciale trompeuse et recel. En cause, la commercialisation en 2008 et 2009 de prêts immobiliers.
Destinés à l'investissement locatif défiscalisé, ces crédits avaient la particularité d'être libellés en francs suisses mais remboursables en euros. Or dans le sillage de la crise financière, l'euro a fortement décroché face à la devise helvète: les emprunteurs ont alors vu exploser les montants à rembourser, parfois de plus de 30%.
Un capital à rembourser supérieur au montant emprunté
Restaurateurs, médecin, sapeur-pompier, femme de ménage, aide-soignante: lors du premier procès fin 2019, des emprunteurs avaient raconté à la barre leur détresse face à ce prêt devenu toxique, expliquant devoir encore un capital supérieur au montant emprunté, malgré le fait qu'ils payaient chaque mois depuis une décennie.
La banque est soupçonnée en particulier d'avoir occulté ce risque de change dans l'offre de crédit et dans les arguments commerciaux fournis aux intermédiaires, dans le cadre des plus de 4.600 contrats qui ont été signés.
Le 26 février 2020, BNP Paribas Personal Finance a été condamnée à l'amende maximale de 187.500 euros et à payer quelque 127 millions d'euros en dommages et intérêts, avec une exécution provisoire soit un versement immédiat, même en cas d'appel.
L'entreprise prévenue a réfuté toute pratique illégale, réfutant notamment la "complexité" de son offre: sa défense a plaidé la relaxe et elle a fait appel de sa condamnation. Sollicité, son avocat a indiqué à l'AFP que la banque ne souhaitait pas s'exprimer avant ce nouveau procès.
2.500 emprunteurs se sont portés partie civile
Au total, quelque 2.500 emprunteurs se sont portés partie civile. "Mes clients attendent que la cour d'appel correctionnelle confirme l'ampleur de la pratique commerciale trompeuse dont ils ont été victimes et mette un coup d'arrêt à la stratégie de fuite en avant judiciaire de BNP, qui tente désormais uniquement d'échapper à sa responsabilité, alors même que depuis 2021, elle perd tous ses contentieux contre les consommateurs", a déclaré Me Charles Constantin-Vallet, avocat de 1.300 parties civiles.
En parrallèle de ce volet pénal, des milliers d'emprunteurs ont engagé des procédures civiles auprès de tribunaux dans toute la France afin de faire annuler les contrats Helvet Immo, notamment en demandant la reconnaissance de "clauses abusives".
Dans ce cadre, le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) et le tribunal de grande instance de Paris ont interrogé la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui, le 10 juin 2021, a tranché en faveur des emprunteurs.
Depuis, la Cour de cassation a elle aussi penché de leur côté et, selon Me Constantin-Vallet, si la banque a gagné initialement dans une série d'affaires, la jurisprudence s'est inversée ces derniers mois.
Des prêts interdits depuis 2013
Après le premier procès, BNPPF avait sollicité la suspension de l'exécution provisoire lui imposant le versement immédiat des dommages-intérêts. En septembre 2020, la cour d'appel a rejeté cette demande: les parties civiles ont bien perçu les sommes, mais elles pourraient être annulées ou modifiées à l'issue de ce deuxième procès.
La cour d'appel de Paris doit examiner ce dossier les lundis, mardis et mercredis. A la fin du procès, le 7 juin, la décision sera mise en délibéré à plusieurs mois.
En juillet 2013, une loi a interdit les prêts en devise étrangère pour les consommateurs ne recevant pas de revenus ou ayant un patrimoine dans cette même devise.