Crédit immobilier: le gouvernement réfléchit à rendre les règles plus souples pour accorder un prêt

Longtemps annoncée et redoutée par les courtiers, la chute du nombre de crédits immobiliers est désormais une réalité bien installée, y compris dans les têtes de la haute administration qui était dubitative jusque-là. Face à la chute du nombre de prêts accordés (-32% sur un an en février hors renégociations selon les derniers chiffres de la Banque de France), le ministère de l'Economie et des Finances serait donc prêt à ouvrir un peu les vannes, selon les informations des Echos.
Le constat est relativement simple. Sous l'impulsion du changement de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), les taux ont pratiquement triplé en seulement quelques mois. Nous sommes ainsi passés d'un taux moyen toutes durées confondues de 1,03% en octobre 2021 (un plancher historique) à 2,82% en février dernier, d'après les données de l'Observatoire Crédit Logement / CSA.
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En parallèle, les prix immobiliers ont à peine commencé à reculer. Et encore, uniquement sur les derniers mois. Car entre le dernier trimestre 2021 et le dernier trimestre 2022, les prix étaient encore en progression de 4,8%, selon les données des notaires et de l'Insee. Dans le détail, sur cette période, les tarifs des maisons bondissaient encore de 5,8% en France, tandis que ceux des appartements prenaient 3,5%. Seulement une poignée de villes ont vu les prix au m2 reculer comme Lyon (-0,6% pour les appartements) ou Paris (-1,1%) quand ils flambaient encore à Marseille (+8% pour les appartements) ou dans l'agglomération de Lille (+4,7% pour les maisons), toujours selon les notaires et l'Insee.
Une chute inédite depuis 15 ans
Logiquement, le pouvoir d'achat immobilier des ménages s'est largement érodé. En s'endettant sur 20 ans avec une mensualité correspondant au tiers de leur revenu disponible, les Français de métropole peuvent acheter un logement de 80 mètres carrés, soit 4 m2 de moins qu'en 2021. Il s'agit d'une chute inédite depuis 15 ans, d'après les calculs des notaires. Les acquéreurs potentiels sont donc contraints de revoir leur budget et leurs ambitions à la baisse voire d'abandonner leur projet.
Ils n'ont pas d'autres choix car les conditions d'octroi ont été figées par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), d'aucuns diront avec un sens du timing discutable, à compter du 1er janvier 2022. Plus précisément, les recommandations du HCSF sont devenues obligatoires à cette date. Les banques n'ont plus le droit de dépasser un taux d'endettement de 35% pour les ménages (assurance incluse) et la durée maximale des crédits est limitée à 25 ans (27 ans pour certaines acquisitions dans le neuf ou lorsqu'il y a de lourds travaux, avec un différé d'amortissement de deux ans). Il existe toutefois une certaine souplesse: les banques peuvent déroger à ces règles pour 20% de leur production trimestrielle. Mais sur cette part, 80% de cette flexibilité doit être réservée aux acquéreurs de leur résidence principale.
Tandis que la Banque de France continue régulièrement d'assurer qu'il n'y a aucun problème sur le crédit immobilier dans le pays, le gouvernement s'était déjà résolu à modifier l'actualisation du taux d'usure. Pour rappel, ce taux correspond au taux maximal auquel les banques ont le droit de prêter. Des règles qui se cumulent avec celles du HCSF. Le taux d'usure prend en compte le taux nominal du prêt mais aussi celui de l'assurance-emprunteur et les frais de dossier. Or, il y avait un fort décalage avec le marché car ce taux était calculé une fois par trimestre à partir des taux moyens des crédits débloqués au cours des trois mois précédents (et donc négociés encore 2 à 3 mois auparavant). Il est désormais actualisé tous les mois depuis février et jusqu'en juillet. Ce qui a permis de débloquer certains dossiers.
"S'agissant de la norme HCSF, le ministre est très attentif aux remontées de terrain et souhaite donc s'assurer que cette norme, qui vise un objectif de stabilité financière en évitant un excès d'endettement, ne devienne pas un obstacle à l'accès au crédit, et donc à la propriété, de ménages pourtant solvables", souligne Bercy auprès des Echos. Le ministre de l'Economie a donc demandé que des "travaux d'évaluation" soient menés "en lien avec la Banque de France, le HCSF et l'ensemble des acteurs concernés". Une décision, dans l'hypothèse où il devait y avoir du changement, serait prise avec l'aval du gouverneur de la Banque de France à l'issue de ces travaux, sachant que la prochaine réunion du HCSF doit se tenir en juin. Pour l'instant, rien ne fuite sur les limites qui pourraient éventuellement bouger.