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Travailleur en Suisse, chômeur en France: le coût de l'indemnisation des frontaliers dans le collimateur

L'Unedic prévoit une légère baisse du chômage en 2016.

L'Unedic prévoit une légère baisse du chômage en 2016. - Fred Tanneau - AFP

Près de 80.000 résidents français bénéficient d'allocations chômage alors qu'ils ont cotisé dans un pays frontalier où ils exerçaient leur activité professionnelle. Un manque à gagner de 800 millions d'euros en 2023 pour l'Unédic et qui s'élève à 9 milliards depuis 2011.

C'est une des nombreuses propositions du Medef pour permettre à l'État de faire des économies. Dans sa lettre adressée ce lundi à Michel Barnier, le président de l'organisation patronale Patrick Martin appelle à une réforme du régime social des travailleurs frontaliers qui touchent actuellement des indemnités chômage en France alors qu'ils cotisent dans le pays où ils travaillent.

De quoi s'agit-il concrètement? Ce sont des résidents français qui habitent en France et qui après avoir exercé une activité professionnelle dans un pays limitrophe (comme la Suisse ou le Luxembourg par exemple) bénéficient -une fois leur emploi perdu- de l'assurance-chômage française. Le problème étant que les cotisations chômage payées par ces travailleurs l'ont été dans le pays de leur activité professionnelle et non en France où ils bénéficient pourtant de leur indemnisation.

Selon l'Unédic, ces frontaliers sans emploi qui touchent une allocation chômage étaient au nombre de 77.000 en 2023, en hausse de 50% depuis 2011, indiquent Les Echos. Le coût de l'indemnisation de ces ex-salariés frontaliers représente 1 milliard d'euros: 720 millions d'euros pour des allocataires qui ont travaillé en Suisse et 164 millions pour ceux qui étaient au Luxembourg. Le solde bénéficiant à des allocataires ayant perdu leur contrat en Allemagne, en Belgique et marginalement en Espagne et en Suisse.

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Une compensation insuffisante

Un règlement européen de 2010 prévoit cependant un mécanisme de compensation.

"L’État frontalier d’emploi rembourse 3 mois d’indemnisation perçues par l’allocataire frontalier à l’État de résidence, indique l'Unédic dans sa note. Cette durée de remboursement peut être étendue à 5 mois lorsque le frontalier a travaillé plus de 12 mois dans l’État frontalier [d’emploi] au cours des 24 derniers mois."

Mais comme la durée d'indemnisation des allocataires peut atteindre en France 18 mois, voire 27 mois pour les chômeurs âgés de plus de 55 ans, la compensation est insuffisante pour couvrir le montant des allocations versées. Il en résulte un déficit pour la seule année 2023 de 800 millions d'euros qui se creuse chaque année. En 2017, le "trou" était de 600 millions d'euros. Au total, entre 2011 et 2023, le surcoût cumulé atteint 9 milliards d'euros, selon l'Unédic. Un coût important qui s'explique aussi par le niveau des salaires très élevés dans les pays d'emploi (Suisse et Luxembourg).

Comment faire ces 800 millions d'euros d'économies souhaitées par le Medef? Comme c’est l’État français qui a ratifié le règlement européen et édicté les règles d’indemnisation, l’Unédic serait fondée à demander la compensation du déficit par une subvention budgétaire. Ce qui ne permettrait cependant pas de faire des écomonies de dépenses publiques.

La renégociation du règlement avec compensation intégrale des montants d'allocations versés paraît alors la solution adéquate mais aussi la plus complexe à mettre en oeuvre. L'Espagne qui a mis ce sujet à l'ordre du jour en 2023 lors de sa présidence de l'UE n'a pas obtenu d'accord final des États membres.

Reste une dernière solution qui permettrait d'atténuer le déficit à défaut de le gommer totalement. Elle consiste pour l'État à modifier les règles d'indemnisation des seuls frontaliers comme le propose par exemple l'économiste Philippe Askenazy en convertissant le montant des salaires perçus en Suisse en parité de pouvoir d'achat pour calculer le montant de l'allocation chômage versée. Le chômeur résident en France n'est pas concerné par le coût de la vie bien plus élevé dans le pays frontalier. Selon l'économiste, ce mode de calcul permettrait de diminuer les prestations d'environ 40% pour les ex-salariés suisses, soit 288 millions d'euros d'économies avec ce seul pays.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco