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Quand les vieux tubes deviennent "aussi rentables que le pétrole"

Bon Jovi

Bon Jovi - NICHOLAS HUNT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

Cette semaine, la chanteuse américaine Taylor Swift a vu les droits de ses six premiers albums vendus à un fonds d'investissement sans qu'elle puisse intervenir. Pour certains investisseurs, les catalogues de chansons sont devenus une poule aux œufs d'or. Surtout avec les anciens tubes.

Combien pour une chanson de Taylor Swift? En moyenne trois millions de dollars, selon la dernière opération financière réalisée sans que la chanteuse américaine ait son mot à dire. Le catalogue des six premiers albums (environ une centaine de chansons) a été cédé par Ithaca Holdings, la société du manager Scooter Braun (en conflit ouvert avec l'artiste), pour la somme de 300 millions de dollars au fonds Shamrock Holdings. 

Le catalogue avait été acquis (pour la même somme) il y a un an et demi lorsqu'Ithaca Holdings s'était offert le label de Nashville Big Machine qui avait lancé Taylor Swift. Un scandale pour la chanteuse qui se juge "spoliée" puisqu'elle n'a aucun droit de regard sur les masters (enregistrements). 

En creux, les guerres de catalogues ont pris un véritable essor avec l'explosion du streaming, qui rapporte peu par écoute mais finit par additionner des sommes intéressantes. Et en cette période de pandémie, où les concerts ne peuvent pas avoir lieu, les revenus versés par Spotify ou Deezer sont devenus une bouée de sauvetage pour l'industrie d'autant que Spotify a enregistré une hausse de 27% d'abonnements payants au troisième trimestre. 

Indémodable et rentable

En réalité, les investisseurs s'intéressent à une "certaine" musique: les tubes, qui ont déjà prouvé leur efficacité. En avril dernier, en pleine première vague du coronavirus, le cabinet Nielsen montrait que la moitié des amateurs de musique écoutaient d'anciennes chansons, de Bob Dylan à Bob Marley. Un air de nostalgie pour certains en ces temps incertains… 

Cet attrait pour les années passées n'a pas débuté avec le confinement. Le fonds britannique Hipgnosis, fondé en 2018 par Merck Mercuriadis, ex-manager d'Elton John, Nile Rodgers ou Beyoncé, en a fait sa spécialité. Son catalogue, ce sont des hits indémodables. En juillet dernier, il achète "Livin’ on a Prayer", énorme tube des années 1980 de Bon Jovi, resté plusieurs semaines en tête des ventes aux Etats-Unis. Sur Spotify, le titre est toujours le plus écouté du groupe. 

Hipgnosis possède aussi les droits de "Sweet Dreams" de Eurythmics, de "Back To Black" d'Amy Winehouse, "Poker Face" de Lady Gaga ou encore "Single Ladies" de Beyoncé. Une véritable manne pour Merck Mercuriadis.

Les chansons éprouvées sont prévisibles et fiables dans leurs flux de revenus" résume-t-il au Guardian, comparant ses tubes à l'or ou au pétrole. C'est même mieux puisque la chanson est peu influencée par les soubresauts du marché. "Peu de gens peuvent s'acheter de l'or mais un abonnement mensuel à 10 livres sterling, tout le monde peut se le permettre", explique le patron.  

Et la nostalgie marche à plein régime. En 2019, son fonds a gagné en moyenne 4868 livres sterling par chanson contre moins de 150 livres chez les principaux labels avec leurs nouveautés. "Livin’ on a Prayer" en est le meilleur exemple: depuis que la chanson a débarqué sur Spotify en 2013, les revenus associés ont grimpé de 153%. D'autres fonds se sont aussi lancés sur ce créneau alléchant. Soutenu par le groupe de rock Metallica, Worldwired IP Fund vient de se lancer tandis que le fonds Round Hill a déjà dépensé 200 millions de dollars pour des titres de Black Sabbath ou Bruno Mars. 

Un bon plan qui n'est finalement pas si neuf. En 1985, Michael Jackson avait acheté pour 47,5 millions de dollars les chansons signées des Beatles avant que Sony ne le rachète en 2016 pour… 750 millions de dollars.

Ce qui n'est vraiment pas agréable quand je suis en tournée, c'est que je dois payer pour avoir le droit de jouer mes chansons. A chaque fois que je joue 'Hey Jude', je dois payer quelqu'un", racontait Paul McCartney.

Depuis, ce dernier a trouvé un accord avec les ayant-droits de ses propres chansons. 

Thomas Leroy Journaliste BFM Business