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Retraite

Verser 10 euros par mois à chaque enfant dès 6 ans: l'étonnant (mais sérieux) projet du gouvernement allemand pour sauver son système de retraite

Le chef de la CDU, Friedrich Merz, au siège du parti à Berlin, en Allemagne, le 24 février 2025

Le chef de la CDU, Friedrich Merz, au siège du parti à Berlin, en Allemagne, le 24 février 2025 - INA FASSBENDER / AFP

Le nouveau chancelier Friedrich Merz plaide pour un projet de "pension anticipée" qui consisterait pour l'État à verser 10 euros par mois à chaque enfant entre ses 6 et 18 ans, de manière à se constituer une épargne pour l'avenir.

Il n'y a pas qu'en France que l'épineux dossier des retraites s'invite régulièrement dans les débats. Année après année, réforme après réforme, l'Allemagne tente péniblement de stabiliser le financement de son système par répartition face au vieillissement de la population.

Mais l'équation s'avère de plus en plus difficile à résoudre. Avec l'arrivée progressive des baby-boomers à la retraite, plus en plus de pensions doivent être versées pour de moins en moins de cotisants. Consciente de l'enjeu, la nouvelle coalition CDU/CSU-SPD menée par le chancelier Friedrich Merz a promis de faire de ce sujet l'une de ses priorités.

Des pistes ont d'ores et déjà été écartées: pas question de baisser les pensions alors que le taux de pauvreté des plus de 65 ans en Allemagne est déjà particulièrement élevé (19,4% contre 16% dans l'ensemble de la population en 2021, selon Eurostat) et nettement supérieur à celui de la France (10,9%).

Selon le Spiegel, l'instauration d'un régime obligatoire par capitalisation ne fait pas non plus partie des options, le parti social-démocrate SPD y étant opposé. Un projet néanmoins se dégage et semble pouvoir faire consensus au sein de la coalition, en plus d'autres mesures: la "pension anticipée".

10 euros par mois de 6 à 18 ans

Ici, rien à voir avec la possibilité offerte à certains Allemands de partir à la retraite plus tôt que prévu sous conditions. L'idée, déjà préconisée par un groupe d'experts en 2023, est plutôt de préparer cette étape de la vie dès le plus jeune âge. Concrètement, il s'agirait de verser sur un "compte individuel de retraite" 10 euros par mois à chaque enfant scolarisé dès son 6e anniversaire et jusqu'à ses 18 ans.

Contrairement à la capitalisation, c'est l'État qui financerait entièrement le dispositif. La gestion des comptes relèverait en revanche du privé de façon à ce que chacun puisse faire fructifier l'argent placé. Objectif à terme: que chaque citoyen allemand se constitue un capital, même "symbolique" pour anticiper l'avenir, a précisé Friedrich Merz, défenseur du projet qui y voit aussi un moyen de développer l'éducation financière outre-Rhin. Le chancelier juge en effet nécessaire de faire comprendre aux jeunes "qu'ils doivent épargner et, surtout, qu'épargner en vaut vraiment la peine". Avec le message suivant: "Commencez tôt avec de petites sommes et laissez-les pour longtemps".

"Quiconque ferait cela -et l'État le prendra en charge jusqu'à ses 18 ans- aurait déjà 2.100 euros sur son compte à ses 18 ans", a également soutenu le dirigeant, se basant sur un rendement annuel moyen de 6%. Une fois la majorité atteinte, le titulaire du compte pourra continuer s'il le souhaite de verser personnellement 10 euros par mois jusqu'à sa retraite, auquel cas il pourrait prétendre à une allocation de 70.000 euros en plus de sa pension. S'il stoppe les versements à ses 18 ans, il pourrait prétendre à 36.000 euros.

Il ne s'agit bien sûr que de projections car le rendement ne peut être garanti. Quoi qu'il en soit, les fonds ne pourront être retirés avant l'âge d'ouverture des droits à la retraite qui atteindra progressivement 67 ans dans les prochaines années.

Interrogé sur le coût d'un tel projet Friedrich Merz a rétorqué cela coûtera toujours "moins cher que les subventions fédérales toujours plus importantes versées à l'assurance retraite". Reste à savoir si les conservateurs et sociaux-démocrates parviendront à s'accorder sur les modalités exactes de ce dispositif. Si tel est le cas, il pourrait entrer en vigueur dès l'année prochaine.

Les cotisations financent trois quarts du régime obligatoire

Comme le rappelle le Conseil d'orientation des retraites (COR), le système de retraite allemand repose aujourd'hui sur "trois étages": un étage public obligatoire par répartition et par points, un étage complémentaire professionnel facultatif en capitalisation et un étage d'épargne retraite personnelle volontaire.

En 2023, la retraite obligatoire du privé représentait 376 milliards d'euros financés par les cotisations à hauteur de 289 milliards d'euros et par des transferts du budget fédéral à hauteur de 87 milliards, ce qui représente près d'un quart du financement.

La même année, la pension moyenne annuelle nette de droit direct s'élevait à 1.091 euros et plus précisément à 888 euros pour les femmes et 1.309 euros pour les hommes. La loi prévoit qu'un Allemand ayant cotisé 45 ans ne puisse pas percevoir moins de 48% de son salaire lorsqu'il part à la retraite. C'est ce ratio que la coalition s'est engagée à maintenir alors que sans intervention politique, il tomberait mécaniquement à 43% d'ici 2030, d'après le COR.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco