Retraites: 3 milliards d'euros d'excédent cette année mais déficit probable dès l'an prochain

C'est un document très attendu. Le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR) qui sera présenté jeudi par le gouvernement mais que nous avons pu consulter estime que le "système de retraite serait déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années", après avoir "enregistré des excédents en 2021 et 2022".
Dans le détail, les régimes de retraite ont été excédentaires de près de 900 millions d'euros en 2021. Une première depuis 2008.
"Cette nette amélioration par rapport à 2020 s'explique en très grande partie par la croissance importante des ressources due au rebond d'activité, alors que l'effet de la surmortalité des retraités liée à la Covid sur les dépenses de retraite est resté limité", écrivent les auteurs du rapport.
L'embellie se prolongerait cette année avec un excédent attendu à 3,2 milliards d'euros. Les projections sont en revanche plus sombres pour les années suivantes avec une détérioration du solde global dès 2023. Le COR table sur un déficit allant de 0,5 point de PIB à 0,8 point entre 2022 et 2032 en fonction du scénario de croissance retenue. Le retour à l'équilibre est attendu "vers le milieu des années 2030" si la croissance moyenne de la productivité du travail atteint 1,6% par an et dans la décennie suivante, si elle ne dépasse pas 1,3 %. Dans le pire des scénarios (0,7% de croissance annuelle de la productivité), il faudrait attendre les années 2070.
Pas de "dynamique non contrôlée des dépenses"
Toujours est-il que le rapport du COR juge que la dynamique des dépenses de retraite resterait "contenue" par rapport à l'évolution de la richesse nationale, bien qu'à un "niveau en augmentation par rapport aux dernières projections". Ainsi, ces dépenses passeraient de 13,8% en 2021 à 13,9% du PIB en 2027. Elles augmenteraient ensuite significativement entre 14,2 et 14,7% de 2028 et 2032 en fonction des scénarios de croissance de la productivité. A plus long terme, elles se stabiliseraient (scénario de croissance de productivité à 0,7%) voire baisseraient pour atteindre entre 12,1% et 13,7% à horizon 2070. Autrement dit: pas d'urgence à réformer, mais des besoins de financement bien réels.
Si les experts du COR rappellent qu'il ne leur revient pas de dire s'il "faut ou non mettre en oeuvre une réforme du système de retraite", ils affirment d'ores et déjà que "même si les dépenses de retraites se stabilisent en part de PIB sur la période 2022-2027, leur rythme d'évolution spontanée ne semble pas compatible avec les objectifs du gouvernement inscrits dans le programme de stabilité de juillet 2022".
"Pour tenir ces objectifs, la croissance des dépenses publiques devrait être limitée à 0,6 % en volume entre 2022 et 2027. Or les dépenses de retraites qui représentent le quart de ces dépenses publiques progresseraient sur la période de 1,8 % en termes réels", ajoutent-ils. Tout en expliquant dans le même temps que "les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraites".
Les syndicats mettent en garde le gouvernement
Ce lundi, les syndicats ont unanimement mis en garde le gouvernement contre toute mesure sur les retraites qui serait glissée lors des débats budgétaires cet automne, soulignant que cela provoquerait leur mobilisation et leur retrait des concertations sociales voulues par l'exécutif.
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, et la ministre déléguée à la Formation professionnelle, Carole Grandjean, ont réuni ce lundi les partenaires sociaux pour leur présenter leur "feuille de route" du quinquennat. Interrogés à la sortie, les syndicats ont indiqué qu'Olivier Dussopt ne s'était pas avancé sur le calendrier de la réforme, renvoyant à la présentation jeudi du rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR). Le ministre a plutôt évoqué les sujets d'emploi des seniors, d'évolution du travail et de pénibilité.
"Le rapport du COR devrait être l'alpha et l'oméga" du gouvernement, en a déduit Jean-François Foucard (CFE-CGC). Mais si le gouvernement décidait, à la suite de ce rapport, d'introduire dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale une mesure d'âge "cachée" comme une "accélération de la réforme Touraine", "cela serait dangereux et entraînerait une forte mobilisation, des manifestations et des grèves", a prévenu Michel Beaugas (FO). La réforme Touraine de 2014 augmente progressivement la durée de cotisation pour atteindre 43 ans pour les personnes nées en 1973 ou après.