TOUT COMPRENDRE. Quels sont les risques économiques en cas de "shutdown" aux États-Unis?

L'Amérique au bord de la paralysie budgétaire. Le Congrès a jusqu'à mardi pour adopter un budget, même temporaire, et ainsi éviter un "shutdown", c'est-à-dire un gel d'une partie des dépenses de l'Etat fédéral.
Républicains et démocrates doivent trouver un compris et les deux camps se sont dits ouverts à la discussion, mais le bras de fer continue. On vous explique tout sur les conséquences en cas d'absence de compromis.
Des shutdown ont déjà eu lieu dans l'histoire moderne du pays. Ils n'ont en général duré qu'une poignée de jours comme en janvier 2018 sous Donald Trump ou en 2013 durant la présidence de Barack Obama. Mais un épisode a marqué les esprits par sa durée c'est celui qui a eu lieu entre le 22 décembre 2018 et le 25 janvier 2019. Cet arrêt des activités gouvernementales est le plus long à date (1 mois et 3 jours). Il a eu lieu suite à l'échec des négociations entre le Congrès et la Maison Blanche sur le budget, comprenant le financement de la construction d'un mur à la frontière mexicaine.
• Comment le budget est-il voté aux États-Unis ?
Aux États-Unis, le budget fédéral court du 1er octobre au 30 septembre. Ce qui est explique pourquoi un budget doit absolument être voté avant ce mardi 30 septembre à minuit.
Plus précisément, selon la loi américaine certaines dépenses publiques, essentiellement liées à la sécurité sociale, sont considérées comme obligatoires et sont donc renouvelée automatiquement. Mais les autres dépenses doivent, chaque année, être autorisées formellement par des lois qui permettent de débloquer des crédits. Sans vote, ces dépenses ne peuvent être assurées.
À moins qu’à la place, le congrès vote au moins une résolution de continuité, un mécanisme qui autorise temporairement certaines dépenses publiques pendant un temps déterminé.
Sauf qu'une résolution de continuité nécessite une majorité de 60 votes sur 100 au Sénat pour être adoptée. Or les républicains ne disposent que de 53 sièges. Il faut donc que 7 démocrates approuvent la résolution. Et ils conditionnent leur soutien au maintien de certaines dépenses sociales. Les négociations sont en cours.
• Qu'est-ce qu'un shutdown ?
Si les deux partis ne trouvent pas de compromis, les États-Unis pourraient se retrouver en "shutdown", c'est-à-dire sans budget et seules les dépenses considérées comme essentielles seraient débloquées.
"En cas de shutdown, les fonctionnaires affectés à la production de ces services publics inessentiels sont mis en congé sans salaire", explique l'économiste Eric Dor.
Chaque ministère ou agence établit son propre plan en cas de "shutdown" mais les services essentiels - comme la protection des frontières, les soins médicaux hospitaliers, le maintien de l'ordre ou encore la maintenance du réseau électrique - continuent de fonctionner.
"Les fonctionnaires de ces services essentiels doivent travailler, mais sans salaire. C’est après le shutdown que le salaire des fonctionnaires concernés, mis en congé ou ayant travaillé, leur est payé rétroactivement", poursuit le directeur des études économiques à l’IESEG.
De fortes perturbations dans le versement d'aides sociales sont également à prévoir. Les fois précédentes, les dépenses liées aux retraites ainsi qu'à la santé des personnes à bas revenus et âgées avaient également été maintenues, mais les demandes d'inscriptions avaient été repoussées.
• Quelles sont les conséquences directes d'un shutdown ?
Les dépenses considérées comme non-essentielles, qui représentent 27% du total des dépenses fédérales, sont suspendues. La production de service publique, qui est une part du Produit interieur brut (PIB), diminue donc.
Par ailleurs, les fonctionnaires mis en chômage technique et sans salaire, consomment moins, ce qui affecte d’autres secteurs. Selon Éric Dor, pour chaque semaine de shutdown, la baisse estimée du PIB trimestriel réel, par rapport à son niveau normal, est ainsi comprise entre 0,1% et 0,3%. Un gros mois de shutdown réduirait donc le PIB trimestriel réel de 0,5% à 1,5% selon lui.
"Comme les fonctionnaires récupèrent ultérieurement leurs salaires dont le versement a été simplement postposé, il y a un certain rattrapage de leurs dépenses de consommation après le shutdown", nuance tout de même l'économiste.
"Après le shutdown le produit intérieur brut est donc un peu dopé par rapport à la normale. (...) Mais il est peu plausible que toute la consommation perdue soit entièrement rattrapée."
Par ailleurs, en cas de shutdown, les administrations n'auraient plus de carnet de chèques pour payer leurs fournisseurs, ce qui pourraient mettre de nombreuses entreprises en difficulté. "Certaines faillites seraient même possibles si le shutdown durait longtemps. Tout cela aggraverait la diminution du produit intérieur brut", souligne Eric Dor.
• Quelles seraient les conséquences indirectes d'un shutdown ?
En cas de shutdown, les taux des obligations publiques (donc de la dette publique américaine) pourraient augmenter. "Le shutdown montrerait en effet que la classe politique est trop divisée sur les questions budgétaires", explique Eric Dor. Et selon lui, cette hausse pourrait elle-même entraîner une augmentation généralisée des taux des crédits et en particulier les taux des prêts hypothécaires, "aggravant la crise de l’immobilier, freinant la consommation et l’investissement et donc impliquant le risque d’une contraction du produit intérieur brut".
"Les cours boursiers pourraient diminuer à cause de la hausse des taux d’intérêt, de la baisse d’activité et de l’opacité statistique induites par le shutdown", ajoute-t-il.
Enfin, toujours selon l'économiste, la dégradation des perspectives de l’économie des États-Unis, due au shutdown, pourrait entraîner une dépréciation du dollar. "Le shutdown déprimerait la confiance des consommateurs, des gestionnaires d’entreprises et des investisseurs. La demande globale serait donc réduite", conclut-il.