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Ils représentent 30% de son PIB: les diamants du Botswana sont concurrencés par les pierres de synthèse, qui menacent l'équilibre économique du pays

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Face à une situation économique difficile, le Botswana, qui a bâti une partie de sa richesse sur le commerce de diamant naturels, doit diversifier ses sources de revenus, pour éviter l'effondrement.

Si les diamants sont éternels, leur rente est moribonde: la concurrence des pierres de synthèse affaiblit les prix ainsi que les économies de pays d'Afrique australe comme le Botswana, qui a bâti sa prospérité sur ces gemmes.

Deuxième producteur mondial de diamants derrière la Russie, le Botswana a vu sa note souveraine à long terme dégradée vendredi à "BBB" par l'agence S&P, qui a cité la "baisse des revenus diamantaires".

En quête d'alternatives, ce pays enclavé de 2,5 millions d'habitants a lancé la semaine passée un nouveau fonds souverain visant à poser les "fondations d'un avenir" qui soit "diversifié au-delà des diamants".

Parmi les options de l'ex-colonie britannique figurent déjà le tourisme de luxe orienté autour du safari, le cannabis médicinal et l'énergie solaire.

Le rachat par l'État du géant du secteur De Beers est aussi sur la table. Le président botswanais Duma Boko a évoqué la possibilité d'une participation majoritaire. Son gouvernement a engagé Lazard et la Compagnie bancaire helvétique (CBH) pour le conseiller en la matière.

"Des pays comme l'Angola, la Namibie et l'Afrique du Sud sont tous exposés, mais pas autant que le Botswana", estime auprès de l'AFP l'économiste Brendon Verster, de l'institut de recherches Oxford Economics Africa.

Les diamants représentent environ 30% de son produit intérieur brut (PIB) et 80% de ses exportations, selon le Fonds monétaire international.

Mais à mesure que les consommateurs se tournent vers des diamants moins chers, fabriqués en Chine et en Inde, le prix moyen d'un diamant naturel d'un carat s'arase.

Son cours a chuté d'un pic de 6.819 dollars en mai 2022 à 4.997 dollars en décembre 2024, selon le World Diamond Council, l'organisation patronale du secteur.

Composé à 70% de désert, le Botswana est sorti de la pauvreté grâce à la découverte dans les années 1960 de diamants, dont il dépend énormément.

"Risques d'effondrement économique"

Les réserves de devises s'épuisant, le gouvernement s'est endetté pour remplir les caisses publiques.

Le système de santé a vacillé en août quand Duma Boko a dû déclarer l'état d'urgence sanitaire en raison d'une pénurie de médicaments essentiels dans le pays.

"Si rien n'est fait, il existe un risque réel que la situation ne constitue plus seulement un défi économique, mais une bombe à retardement sociale", a averti le chef d'État en juillet.

"En substance, c'est maintenant ou jamais" que le Botswana doit se diversifier, juge Brendon Verster.

Car les pierres synthétiques représentent déjà cette année "environ 20% du marché mondial en valeur et jusqu'à 50% en volume dans le secteur des bagues de fiançailles aux États-Unis", décrit l'agence S&P.

"On ne voit vraiment pas ce qui pourrait provoquer un revirement radical en faveur des diamants naturels", analyse Brendon Verster.
BFM Stratégie (Cours n°285): Quel avenir pour les diamants de synthèse ? – 01/06
BFM Stratégie (Cours n°285): Quel avenir pour les diamants de synthèse ? – 01/06
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D'autres pays de la région sont en souffrance, comme le Lesotho. Les diamants contribuent jusqu'à 10% du modeste PIB - environ 2 milliards de dollars (1,7 milliard d'euros) - de ce territoire montagneux, dont la principale industrie, le textile, pâtit des nouvelles taxes douanières américaines.

Sa plus grande mine de diamants, Letseng, a annoncé ce mois-ci licencier 20% de ses effectifs en raison d'une "pression soutenue sur les prix" combinée à un "ralentissement de la demande sur les principaux marchés".

Les fermetures de mines "pourraient augmenter les risques d'effondrement économique", juge auprès de l'AFP l'analyste économique indépendant Thabo Qhesi, qui invite à creuser du côté des terres rares, ces métaux stratégiques.

Campagne de promotion

Pour préserver l'éclat des diamants auprès du public, l'Angola, le Botswana, la Namibie, l'Afrique du Sud et la République démocratique du Congo se sont engagés en juin à allouer 1% de leurs revenus annuels issus du diamant à la promotion des pierres naturelles.

Cette campagne, dont l'actrice britannique Lily James est une ambassadrice, vise à refaire des brillants un "produit de luxe", explique à l'AFP l'ancien vice-gouverneur de la Banque du Botswana, Keith Jefferis.

"On y voit une belle opportunité de sensibiliser les consommateurs à l'histoire des diamants issus de filières responsables du Botswana", a déclaré à l'AFP De Beers, partie prenante de la campagne.

Pour Jacob Thamage, du ministère des Minéraux du Botswana, diamants naturels et synthétiques s'adressent à "différents consommateurs et peuvent donc coexister".

Dans un centre commercial haut de gamme de Johannesburg (Afrique du Sud), un diamant jaune naturel d'une valeur de plus de 50.000 dollars (près de 43.000 euros) cohabite avec un diamant synthétique de 115 dollars (98 euros) un peu plus loin. A la différence que le premier est barricadé derrière des portes en acier renforcé.

"Chacun sa cible", résume un bijoutier. "Tant que tout le monde s'y retrouve."

HC avec AFP