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De 40 à 37,5 heures: en Espagne, le projet de réduction du temps de travail a du plomb dans l'aile

La ministre du Travail espagnole, Yolanda Diaz, le 10 janvier 2024

La ministre du Travail espagnole, Yolanda Diaz, le 10 janvier 2024 - Thomas COEX

Les négociations sur la réduction du temps de travail en Espagne patinent alors que le patronat refuse toujours de soutenir la mesure. Les partenaires sociaux devront s'entendre d'ici au 11 novembre. À défaut, un texte rédigé par le gouvernement ira directement devant les députés, où il n'est toutefois pas sûr d'obtenir un soutien suffisant.

Si le gouvernement français a remis l'augmentation du temps de travail au centre de ses priorités, c'est le débat inverse qui se joue de l'autre côté des Pyrénées. Depuis plusieurs mois, syndicats et patronat espagnols tentent de trouver un accord sur la proposition de la ministre du Travail, Yolanda Diaz, de baisser la durée légale hebdomadaire de travail de 40 à 37,5 heures dans le secteur privé (elle est déjà de 37,5 heures dans la fonction publique).

"Réduire le temps de travail, ce n'est pas seulement travailler moins, c'est aussi travailler mieux", avait-elle justifié sur X avant le début des discussions sur sa mesure qui concernerait quelque 12 millions de travailleurs.

La transition se ferait toutefois progressivement, avec un passage aux 38,5 heures en cette fin d'année, puis aux 37,5 heures fin 2025. Le tout sans baisse de salaire. En contrepartie, la ministre communiste promet de soutenir les entreprises, notamment via des allègements de cotisations sociales.

Constatant l'enlisement des négociations entre les partenaires sociaux, elle a formulé une dernière offre en proposant une aide allant jusqu'à 6.000 euros pour les petites entreprises de moins de cinq salariés dans certains secteurs comme l'hôtellerie, le commerce, l'agriculture, rapporte El Periódico.

Cette offre s'est accompagnée d'un ultimatum: sans accord du patronat ce 11 novembre, le texte législatif instaurant la semaine de travail de 37,5 heures sera directement envoyé au Congrès des députés, et les aides promises aux entreprises ne seront pas nécessairement conservées.

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Une mesure qui "n'a pas de sens" pour le patronat

Un coup de pression qui n'a pas porté ses fruits à ce stade. Dans un communiqué commun publié le 5 novembre, la Confédération espagnole des organisations professionnelles (CEOE) et la Confédération espagnole des petites et moyennes entreprises (CEPYME) affirment qu'elles "ne peuvent soutenir cette proposition", considérant que la réduction généralisée du temps de travail, sans prise en compte des spécificités de chaque secteur d'activité, "n'a pas de sens".

Les organisations patronales accusent en outre le gouvernement "d'ingérence" en cherchant à modifier par la loi des règles qui s'établissent dans le cadre de conventions collectives de branches ou d'accords d'entreprises négociés via le dialogue social, et dont certains prévoient déjà un temps de travail de 38 heures. Elles précisent enfin qu'"il sera difficile d'augmenter la productivité grâce à la réduction du temps de travail dans un tissu productif composé à environ 98% de PME et d'indépendants, et où les secteurs qui contribuent le plus au PIB sont liés, entre autres, aux services ou au tourisme".

Il y a quelques mois, le président de la CEPYME, Gerardo Cuerva avait rappelé que "la richesse d'un pays et le bien-être à long terme de ses citoyens dépendent de la productivité". Et seule une hausse de cette dernière permettrait d'envisager une réduction du temps de travail. Or, la productivité en Espagne ne cesse de baisser et "est encore 2% plus faible qu'en 2015", indiquait la CEPYME en juin.

Si le gouvernement espagnol entend se passer du feu vert des entreprises pour soumettre son texte au Congrès des députés -comme il l'avait fait sur la hausse du salaire minimum-, l'absence de soutien des TPE et PME à une telle mesure risque de convaincre certains députés de l'opposition mais aussi alliés de la coalition au pouvoir de ne pas voter pour. Avec le risque, pour le gouvernement, que son texte ne soit rejeté.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco