Football: les "trois limites économiques évidentes" au projet de Super League

La Super League est sur les rails. Malgré les critiques d'une grande partie des acteurs du football (et même des gouvernements européens), douze clubs anglais, espagnols et italiens, parmi les plus prestigieux du monde, ont décidé de mettre en place une ligue fermée où s'affronteraient les meilleurs joueurs tout au long de l'année. L'idée étant d'accroître leurs revenus en misant sur des matchs de gala tout au long de l'année.
Mais sur le plan économique, une telle initiative fait douter. Sur BFM Business, Jérémy Moulard, docteur en Management du Sport Professionnel, évoque "trois limites économiques évidentes."
Les seuls peut-être gagnants seront les actionnaires de ces clubs", explique-il, avant d'énumérer les problèmes que va poser cette éventuelle Super League.
"Premier point, en économie de marché, la rareté crée la valeur donc voir des matchs de grands clubs chaque semaine va amoindrir la valeur de l'écosystème, souligne-t-il. C'est comme si on mettait en place une coupe du monde toutes les années". Tout de suite, l'attente n'est plus la même.
Course à l'armement
Ensuite, "cette Super League propose la création d'un marché parallèle, plus important en valeur certes, mais avec la même dérégulation économique qu'on appelle la course à l'armement, en économie du sport", poursuit-il.
L'enjeu pour les clubs, c’est payer des plus gros salaires, avec de plus grosses indemnités de transfert pour attirer les plus grands joueurs et tenter de gagner la compétition" mais ce qui entraînera les mêmes déficits" au final pour ces clubs.
Dernier point: "une ligue fermée base ses richesses et la création de ses joueurs sur une base universitaire très importante, là où les joueurs sont formés". C'est d'ailleurs le cas en Amérique du Nord où les universités sont les réservoirs des ligues sportives. "En Europe, si on part sur cette base de ligue privée, qui va finalement, dans cinq ou dix ans, fournir les clubs en joueurs?", s'interroge Jérémy Moulard.
Des ligues privées pas forcément rentables
"Les joueurs qui partent vont complétement déréguler les championnats avec une perte d'intérêt importante et la disparition de clubs qui sont déjà en difficulté financière (…) on a vraiment un modèle vicieux qui peut s'installer sur le long terme", prévient-il.
"Sur le long terme, c'est intenable", poursuit-il rappelant d'ailleurs que les ligues privées américaines ne sont pas forcément gagnantes outre-Atlantique.
On prend souvent en exemple les ligues nord-américaines, mais la NBA (basket-ball) est déficitaire depuis 4 ou 5 ans, la NHL (hockey sur glace), c'est la même chose. Seule la NFL (football américain) tire des profits très importants", conclut Jérémy Moulard.