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Une prime Macron plus généreuse pourrait cannibaliser l'usage de l'intéressement et de la participation

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Selon une étude de l'Institut Montaigne, il existe bien des risques de cannibalisation entre les deux dispositifs.

Outre des aides à la consommation, le gouvernement entend s'appuyer sur les entreprises pour doper le pouvoir d'achat des Français dans un contexte d'inflation galopante.

Emmanuel Macron a déjà tracé deux axes qui devraient être inclus dans le projet de loi sur le pouvoir d'achat qui doit être dévoilé ce jeudi.

D'un côté, il s'agira de renforcer la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), dite "prime Macron" que les entreprises peuvent verser à leurs salariés sans aucune charge. Son montant maximum défiscalisé pourrait passer à 6000 euros contre 1000 ou 2000 euros aujourd'hui.

Des petites entreprises réticentes

De l'autre, le gouvernement entend (enfin) élargir l'application de l'intéressement et de la participation à plus d'entreprises (à partir de 11 salariés au lieu de 50), notamment les PME, et donc à plus de salariés.

Mais pour l'Institut Montaigne, il y a un risque de "cannibalisation" entre ces deux dispositifs avec comme victimes l'intéressement et la participation. Dans un rapport, il souligne:

"Si cette prime se rapproche en apparence des dispositifs de partage de la valeur, c’est toutefois oublier que l’intéressement et la participation ont des objectifs de long terme bien plus ambitieux: reconnaissance financière, investissement de long terme, constitution d’une épargne ou encore actionnariat salarié. L’ajout de ce dispositif supplémentaire – dont le but premier, particulièrement justifié aujourd’hui, est le soutien au pouvoir d’achat – contribuerait à brouiller encore davantage les objectifs des dispositifs d’intéressement et de participation".

Et de poursuivre: "En cas de pérennisation de cette prime, il y a fort à parier qu’un certain nombre d’entreprises y aient recours, plutôt que de choisir un dispositif de partage de la valeur dont la mise en œuvre par voie d’accord et avec définition d’une formule de calcul aléatoire s’avère plus contraignante. Il y a donc ici un véritable risque de cannibalisation de l’épargne salariale par la PEPA" notamment dans les petites entreprises réticentes à appliquer un dispositif complexe.

Garde-fous

Face à ce risque, l'Institut Montaigne formule une proposition: rattacher la PEPA, pour le montant supérieur à 1000 euros, aux dispositifs de partage de la valeur dans le cadre des suppléments d’intéressement et de participation.

"Le versement est simple et peut être effectué en dehors des périodes de versements habituels de l’intéressement et de la participation. Le salarié a ensuite le choix, comme pour l’intéressement et la participation de base de percevoir les sommes immédiatement ou de les affecter sur un plan d’épargne" explique l'Institut.

"Si cette proposition venait à ne pas être retenue, il conviendrait de mettre en place des garde-fous pour empêcher que la PEPA ne phagocyte les dispositifs d’intéressement et de participation", peut-on encore lire comme maintenir la condition de tout versement PEPA à la mise en place d’un accord d’intéressement ; interdire le versement de la PEPA de manière unilatérale par l’employeur, notamment pour les moyennes et grandes entreprises ou limiter à un seul le nombre de versements annuels de la PEPA dans les entreprises.

Faible hausse des bénéficiaires en 15 ans

Rappelons qu'en 2020, seulement plus d’un salarié sur deux a eu accès à un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale. Entre 2006 et 2019, le nombre de bénéficiaires n'a augmenté que de 8%. Pour l'institut Montaigne, il joue "un rôle économique majeur", son déploiement limité dans les petites entreprises ne doit donc pas être freiné par l'élargissement de la prime PEPA.

Il insiste donc sur les nécessaires "stabilisation" et "sécurisation" du cadre légal et fiscal, sur la simplification de son fonctionnement pour inciter plus d'entreprises à l'utiliser. Et concernant le "dividende salarié", également évoqué par le président de la République, pour le cabinet de réflexion, il brouillerait encore plus les cartes.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business