TER trop larges: qui est responsable?

La SNCF et Réseau ferré de France sont sous le feu des critiques, depuis mardi, dans l'affaire des TER trop larges, révélée par le "Canard Enchaîné". Les nouvelles rames de trains régionaux nécessiteraient le rabotage de plus de 1.000 quais de gare, pour un coût de 50 millions d'euros.

Le Canard Enchaîné révèle, dans son édition de mercredi, que 2.000 nouvelles rames de TER ne peuvent pas passer dans plusieurs dizaines de gares de France, en raison de leur largeur. Pour vingt centimètres de trop, 1.300 quais de gare seraient ainsi à raboter. L'information a fait bondir le secrétaire d'Etat aux transports, Frédéric Cuvillier, qui a dénoncé un "système ferroviaire ubuesque" et a mis en cause "la séparation entre les différentes fonctions". Qui est responsable dans ce problème? Qui va payer la facture? Les usagers vont-ils être impactés? BFMTV.com fait le point sur les questions posées par ce problème.

> Qui est responsable?

La SNCF et Réseau ferré de France, qui ont confirmé les informations de l'hebdomadaire satirique, n'ont, pour l'heure, pas donné d'explication à ce couac. La SNCF a-t-elle livré un mauvais cahier des charges aux constructeurs pour ses nouveaux TER? Réseau Ferré de France, propriétaire des voies et chargé de leur entretien, a-t-il fourni des mesures erronées à la SNCF? D'après le Canard Enchaîné, l'erreur viendrait de la SNCF, qui aurait "omis de vérifier la réalité (des dimensions) sur le terrain". Mais selon une source proche du dossier, RFF se serait trompé dans le gabarit, et en interne, l'erreur serait connue depuis un an et demi. Ce qui expliquerait que des travaux de rabotage des quais aient été engagés dès 2013.

Le manque de communication entre les deux entités, séparées depuis 1997, est en tout cas pointé du doigt par les responsables politiques et les syndicats dans ce dysfonctionnement. "Si les équipes s'étaient plus parlé, on aurait anticipé ces travaux", a reconnu Christophe Piednoël, porte-parole de RFF, sur BFMTV.

Le secrétaire d'Etat aux transports, Frédéric Cuvillier, a d'ores et déjà demandé à la SNCF et RFF que soit menée une enquête interne. "Il faut que nous puissions identifier la façon dont les choses ont été décidées", a-t-il justifié.

> Qui va payer?

La facture de ce couac est pour le moins salée: au moins 50 millions d'euros, selon la SNCF. RFF assure avoir le budget pour financer les travaux, qui rentreront dans l'enveloppe de 4 milliards d'euros annuels, financée grâce aux utilisateurs du réseau ferré.

Responsables du service TER, les régions craignent qu'on leur demande de payer, notamment la région Midi-Pyrénées, qui vient de débourser 500 millions d'euros pour moderniser son réseau TER. "Il est très clair que nous n'allons pas accepter que soient répercutés sur les péages que nous payons des travaux que nous n'avons pas voulu et demandé, et qui auraient très bien pu ne pas être à engager", a déclaré le président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, Martin Malvy, sur BFMTV. De son côté, l'Association des Régions de France a d'ores et déjà prévenu qu'"aucun centime" ne sera versé pour ces travaux.

Mais pour l'ancien secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau, la facture n'est à payer "ni par les régions ni par Réseau ferré de France". "La facture est à payer par la SNCF, et connaissant les coûts réels du ferroviaire et de ses infrastructures, le chiffre de 50 millions d'euros me paraît complètement sous évalué par rapport à la réalité de l'investissement qu'il va falloir réaliser pour que ces rames entrent en service dans de bonnes conditions", a-t-il estimé sur BFMTV.

> Y aura-t-il un impact sur les usagers?

Le président de Réseau ferré de France, Jacques Rapoport, l'a assuré ce mercredi sur Europe 1: le coût des travaux n'aura "aucun impact" sur les voyageurs, le prix des billets ou le contribuable.

> Comment le problème va-t-il être réglé?

Par ailleurs, toujours selon RFF, les quais devraient être rabotés dans les temps pour ne pas perturber le trafic. "Les quais corrigés seront livrés en temps et en heure pour faire rouler les trains. Aucun train ne sera mis en service avec retard. Nous avons déjà corrigé 300 quais, il en reste 1.000 à faire", a précisé Christophe Piednoël. "Ca peut consister à raboter un quai de quelques centimètres, ça peut consister à déplacer une armoire électrique qui était un petit peu trop près du bord du quai", a-t-il indiqué. Et d'ajouter: "il est normal que l'infrastructure s'adapte au nouveau matériel".

Lequel nouveau matériel -182 rames TER Regiolis construites par alstom et 159 Regio 2N signés Bombardier- vont entrer en service progressivement, jusqu'à fin 2016. Un total de 600 quais devraient être adaptés d'ici la fin 2014 et les travaux devraient s'étaler jusqu'en 2016.

Enfin, les quais ne seraient pas les seuls éléments de gare impactés par le problème: selon des cheminots, l'entrée dans les gares sera également difficile pour ces nouveaux modèles de TER, au niveau du "garage franc", et certains rails devront être décalés pour que des trains puissent se croiser.

A.S.