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Blocage des ports et aéroports en Corse: quelles sont les revendications des grévistes?

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Depuis jeudi, des milliers de voyageurs sont bloqués à cause d’un mouvement de grève. Les grévistes craignent une privatisation de la gestion des ports et aéroports de l’île alors que les concessions actuelles se terminent le 31 décembre.

Ce vendredi, les ports et aéroports sont toujours très perturbés en Corse. Jeudi après-midi, à l'appel du syndicat des travailleurs corses (STC) rejoint par les autres syndicats de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), un mouvement de grève a entraîné le blocage des quatre aéroports et six ports de l'île.

Ce mouvement fait suite aux doutes exprimés par Alexandre Patrou, secrétaire général aux affaires corses (Sgac) -représentant le préfet de Corse-, sur la suite à donner à la gestion des ports et aéroports de l’île dont les concessions actuelles se terminent au 31 décembre.

Le projet était de créer d’ici au 1er janvier 2025 deux syndicats mixtes ouverts (SMO) portuaire et aéroportuaire d'ici la fin de l'année qui accorderaient des concessions à la CCI insulaire afin qu'elle puisse continuer de gérer les ports et aéroports de l'île, comme c’est le cas aujourd’hui. Mais pour Alexandre Patrou, ce montage présentait "un risque juridique important".

Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse a réagi jeudi à ces propos, à la tribune de l'assemblée générale extraordinaire de la CCI à Ajaccio. Il craint une privatisation de la gestion des ports et aéroports de Corse si le SMO n’est pas validé. "C’est une déclaration de guerre" de l’État, a-t-il déclaré. "On veut faire exploser le service public aérien et maritime (…) pour moi ce n'est pas négociable, il n'y aura pas de groupes internationaux qui gèreront les ports et les aéroports de Corse".

"Le blocus de l’île n’est pas une action, mais une réaction"

La revendication des grévistes porte donc sur la validation de ce SMO, dont les statuts étaient présentés ce jeudi.

"On ne demande pas d’argent, on n’a pas de revendication de plus, on veut juste rester comme on est", explique Joseph Paoli, délégué syndical CFE CGC-SNPSCM.

"Le blocus de l’île n’est pas une action, mais une réaction", ajoute-t-il, faisant écho aux propos du représentant du préfet.

"La CCI gère les ports depuis 1920, et il n’y a jamais eu aucun conflit", continue-t-il. Le responsable qualité-sécurité-environnement au port de Bastia est inquiet des conséquences économiques d’un possible passage au privé de la gestion des ports et aéroports si le SMO n’est pas validé. "Nous sommes sur une île, les ports et aéroports sont d’utilité publique", dit-il. "Confier la gestion à des groupes privés ouvrirait la porte à des incertitudes, avec le contexte d’inflation on ne voudrait pas subir ça."

Une incertitude sur les emplois

L’inquiétude pèse sur les emplois. Selon Marie-Jeanne Nicoli, présidente du conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse, "nous comprenons l’inquiétude de l’ensemble des employés qui ne sont plus sûrs de leur avenir". Une incertitude que confirme Joseph Paoli: "Oui, on a peur pour notre emploi, mais pas seulement. On craint pour l’accès aux ports et aéroports si la gestion passe au secteur privé."

Le parti-pris : Un mouvement social bloque les ports et aéroports corses - 04/10
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Le préfet de Corse Amaury de Saint-Quentin a assuré jeudi à l’AFP qu’il n'y a "aucune velléité de la part de l'État" de confier à des groupes privés la gestion des ports et aéroports insulaires. Mais une gestion par SMO, pour laquelle l'État "n'a aucune opposition", devrait avoir lieu en "régie directe", pour éviter "le risque juridique", a-t-il précisé.

Demande d'une dotation de 50 millions d'euros à l'État

Une autre difficulté figure derrière ce conflit: celle de la réclamation par Gilles Simeoni de 50 millions d’euros à l’État afin de compenser l’inflation, non prise en compte dans la somme allouée par l'État, pour assurer la continuité territoriale entre l'île et le continent. "La réindexation n'est pas donnée et elle est due, ce n'est pas quémander que de le rappeler", a déclaré Gilles Simeoni à l'Assemblée de Corse.

"Si cette dotation n'intervient pas, nous serons dans l'impossibilité de maintenir l'exécution des contrats de délégation de service public dans les domaines maritime et aérien", a-t-il mis en garde.
Louise de Maisonneuve avec AFP