La famille Bolloré verrouille Havas pour éviter une OPA hostile

Le siège de l'entreprise de publicité et de relations publiques Havas à Puteaux (Hauts-de-Seine), en juin 2017. - MARTIN BUREAU / AFP
Il y a de la fébrilité chez Havas. Le groupe de publicité sera introduit à la Bourse d’Amsterdam, le 16 décembre, sept ans après avoir quitté la Bourse de Paris. Son actionnaire de référence, le groupe Bolloré, conservera 30% de son capital. Un niveau similaire à ce qu’il détient chez Vivendi depuis huit ans, lui permettant de piloter l’empire de télécommunications sans en prendre le contrôle. Pourtant, la famille Bolloré n’est pas rassurée.
"En interne et chez quelques clients, il y a une crainte qu’Havas soit la cible d’une OPA hostile", explique une source proche du groupe.
Vincent Bolloré en est d’autant plus conscient qu’il avait pris le contrôle d’Havas, en 2005… lors d’un raid.
Son groupe a donc mis en place deux mécanismes de défense. D’abord, il disposera de droits de vote double dans deux ans lui permettant, a priori, de contrôler 40% des voix en assemblée générale. Puis, dans quatre ans, des droits de vote quadruple lui confèreront près de la majorité.
Une fondation qui dérange
Mais Havas a voulu aller plus loin pour bloquer une prise de contrôle non sollicitée. Le groupe de pub va changer de statut juridique, passant d’une société anonyme (SA) à une société par action simplifiée (SAS). Un cadre légal qui impose qu’un rachat soit voté par tous les actionnaires au lieu de la majorité. Une fondation de droit néerlandais va ainsi être créée et détiendra une unique action Havas sur un total de 991.811.494. Sa mission sera de "conserver l’indépendance" du groupe et pourra ainsi bloquer toute OPA hostile.
Cette option ne plait pas aux investisseurs. Ils craignent qu’elle dissuade des concurrents de se lancer à l’assaut d’Havas et pèse sur son cours de Bourse. Mardi, le fonds Ciam s’est opposé à l’introduction en Bourse du groupe de publicité à Amsterdam et à la création de la fondation. En 2020, l’actionnaire activiste s’était déjà élevé contre la fondation mise en place par Suez pour bloquer l’offensive de Veolia.
"Elle tue la spéculation d’une OPA hostile mais pas d’une offre amicale", précise l’entourage de Vivendi.
C’est son président, Yannick Bolloré qui l’a décidée. Il sait qu’Havas est en position de faiblesse face aux géants Publicis, WPP ou Omnicom. Difficile pourtant d’imaginer une offensive dans une industrie où l’image est clé et les équipes peuvent partir du jour au lendemain. "Les droits de vote double passent encore, les quadruple sont excessifs et la fondation traduit une fragilité", glisse un expert de la pub.
Publicis n'est pas intéressé
D'autant que le groupe n’est même pas sur les radars de Publicis. "On ne foncera pas sur Havas car on est plus gros qu’eux partout dans le monde", tacle un proche du grand rival. Depuis plusieurs années, le secteur spécule sur un mariage d’Havas avec le japonais Dentsu ou l’américain Interpublic (IPG).
"Dentsu c’est trop lointain et compliqué", balaie un proche d’Havas qui avoue n’avoir jamais regardé le dossier.
En revanche, IPG reste l’option la plus probable car les deux groupes sont très complémentaires. Interpublic est très présent aux États-Unis, là où le groupe français est concentré en Europe. Un rapprochement a d’ailleurs déjà été étudié par Vincent Bolloré en 2017, avant qu’il ne retire Havas de la Bourse. L’objectif était alors de marier les deux groupes et que le groupe Bolloré en reste actionnaire.