Lutte contre le réchauffement climatique: les banques centrales loin d'être exemplaires

La BCE s'inquiète d'une remontée de l'euro - Daniel ROLAND / AFP
"Flagrant délit de ‘Faites ce que je dis, pas ce que je fais’". C’est en ces termes que l’ONG Reclaim Finance épingle dans un rapport publié ce mercredi l’action des banques centrales en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Car si elles pressent les institutions privées à verdir leurs portefeuilles, les banques centrales, elles-mêmes détentrices de portefeuilles, "ne prennent pas en compte l’impact climatique de leurs investissements".
D’après Reclaim Finance, seul un quart des banques centrales du G20 et de l’Eurosystème (BCE et banques centrales nationales de la zone euro) se sont engagées à investir de manière responsable et huit banques centrales n’ont toujours pas adopté de politique d’investissement durable et responsable (ISR).
Opacité et greenwashing
Dans son rapport, l’ONG cite "cinq astuces" qui permettent aux banques centrales de "passer pour des investisseurs responsables tout en continuant à investir dans les grands pollueurs: maintenir l’opacité, investir dans des obligations vertes, brandir les principes de l’investissement responsable (PRI), se concentrer sur l’approche ‘best-in-class’ (privilégier les entreprises les mieux notées au sein d’un même secteur d’activité, ndlr), et se contenter de normes internationales peu exigeantes".
Reclaim Finance déplore ainsi que "sur les quatorze banques centrales de l’Eurosystème ayant des politiques ISR, neuf sont très opaques, dont six ne divulguent aucune information crédible pour justifier leurs déclarations sur le sujet. La Banque centrale européenne est même allée jusqu’à refuser la demande d’information de Reclaim Finance sur sa politique ISR".
Pour l’ONG, les banques centrales "ignorent largement les objectifs climatiques de leurs propres pays" et ne prennent pas en compte "la nécessité d’éliminer progressivement le charbon et de mettre immédiatement fin aux investissements dans les projets de production d’énergies fossiles". "Ceux qui communiquent beaucoup sur leur travail sur le changement climatique –comme le BCE- ne peuvent pas être pris au sérieux tant qu’ils continuent à investir dans de gros pollueurs", ajoute-t-elle.
La Banque de France se démarque
Les banques centrales de Slovénie, d’Allemagne et de Suisse se distinguent néanmoins par certaines restrictions sur les énergies fossiles même si les efforts sont jugés insuffisants par Reclaim Finance. Au final, la seule bonne élève est la Banque de France qui "prend l’urgence climatique au sérieux, en visant à aligner les portefeuilles sur une trajectoire de 1,5 degré, en s’opposant au développement des énergies fossiles et en limitant le soutien aux grands pollueurs".
L’ONG invite les banques centrales à s’inspirer du "bon exemple" donné par la Banque de France, même si "sa politique doit encore être renforcée pour s’aligner pleinement sur l’Accord de Paris". De manière générale, Reclaim Finance demande aux banques centrales un "engagement général à s’aligner sur une trajectoire de 1,5 degré et à sortir des énergies fossiles d’ici 2050". Elle réclame aussi l’interdiction des investissements dans les entreprises qui développent de nouveaux projets de production d’énergie fossile, une politique de sortie du charbon et un politique concernant le pétrole et le gaz non conventionnels.