Gaz: deux ans après la crise, l'horizon s'éclaircit sur l'approvisionnement... et les prix

Qu'elle paraît lointaine la flambée des prix du gaz à l'hiver 2021-2022. Alors que ces prix ont d'ores et déjà sensiblement diminué à l'heure actuelle, les conditions d'un retour aux niveaux d'avant-crise devraient être réunies à l'horizon 2026-2027 selon Engie.
"On a des prix de marché pour ces échéances futures et on peut déjà sentir quelles sont les attentes moyennes du marché, explique Laurent Néry, directeur des analyses de marché pour l'énergéticien. On voit que les prix du gaz en 2026-2027 sont en dessous de 30 euros le MWh. Avant la crise, on était entre 15 et 20 euros le MWh." L'expert prévoit que "la prime de risque va sûrement disparaître dans les prochaines années", laquelle avait largement alimenté la flambée des prix au plus fort de la crise énergétique.
Alors que l'incertitude demeure quant aux futurs niveaux de demande et qu'il est encore trop tôt pour anticiper un rebond de celle-ci, les prix pourraient encore baisser grâce à un bon remplissage des stocks ou une forte production d'énergies renouvelables. Des hypothèses qui paraissent plus que jamais crédibles dans le contexte actuel.
Bientôt la fin effective du gaz russe en Europe
La vague de froid qui traverse le Vieux Continent depuis la semaine dernière est la meilleure preuve de la résilience du système gazier européen. "On a une très grosse marge, constate Laurent Néry. Début 2022, au même moment, la Russie n'avait pas encore envahi l'Ukraine mais les niveaux de gaz en stock étaient déjà en dessous des 50%: là on est à plus de 80%. Si on poursuit, on est assez confiant dans la capacité des stocks de gaz européens à se remplir pour le début de l'hiver 2024-2025."
Cette confiance est notamment due aux importations de gaz naturel liquéfié (GNL) qui compensent progressivement celles de gaz russe. "Il y a toujours du gaz russe qui arrive dans le système européen via l'Ukraine dont le contrat avec Gazprom prend fin au 31 décembre 2024, précise le spécialiste. Au 1er janvier 2025, il n'y aura plus ce gaz russe mais il restera un résidu de flux via la mer Noire qui arrive en Turquie pour alimenter les pays du sud-est de l'Europe."
"On arriverait à remplacer ce gaz russe car on a de nouvelles installations de GNL, notamment en Grèce, et les interconnexions de flux gaziers s'améliorent entre l'est et l'ouest de l'Europe."
Même à plus long terme, les perspectives sont plutôt optimistes si on en croit les nombreux projets de GNL annoncés depuis la fin de l'année 2022 et qui devraient se concrétiser à l'horizon 2027-2028. "En 2025, des projets américains vont rentrer en phase de production, souligne Laurent Néry qui appelle à surveiller les projets validés financièrement par les investisseurs. Vers la fin de l'année 2026, on va recréer une nouvelle marge suffisante pour servir l'Europe et l'Asie sans risque de forte compétition sur les prix."
La mer Rouge, une menace réduite "pour l'instant"
Plus tôt dans la journée, le Premier ministre du Qatar a affirmé que le transport de gaz naturel liquéfié serait affecté par l'escalade en mer Rouge. Les rebelles yéménites Houthis ont multiplié ces dernières semaines les attaques contre les navires qu'ils soupçonnent d'être liés à Israël. La multiplication de ces attaques a contraint certains armateurs à contourner la zone, entraînant une hausse des délais et des coûts de transport entre l'Asie et l'Europe.
Cependant, la situation régionale n'a pas encore d'effets concrets sur les prix de marché du gaz. "Les bateaux peuvent faire le tour par le cap de Bonne Espérance, donc il y a un impact sur les coûts de shipping mais pas sur les prix de marché", constate Laurent Névy. "Il existe des itinéraires alternatifs, mais ces itinéraires (...) sont moins efficaces que l'itinéraire actuel", a souligné depuis le Forum économique mondial de Davos Mohammed ben Abdulrahmane Al-Thani. Alors que le Qatar figure parmi les plus grands producteurs de GNL au monde, l'expert d'Engie estime qu'il est possible pour l'Europe de remplacer les cargaisons qataris par des bateaux américains ou nigérians:
"Cela ne pose pas un problème d'offre dans le sens où on perdrait des volumes définitivement comme ça a été le cas avec la Russie. C'est une complexité dans la chaîne GNL qu'on peut résoudre assez facilement."