Bolloré: Gallimard est "très inquiet" du projet de fusion entre Hachette et Editis

L'éditeur Antoine Gallimard, à la tête des éditions Gallimard et du groupe Madrigall, le 30 janvier 2019 à Paris - JOEL SAGET © 2019 AFP
Le Président des Éditions Gallimard est “très inquiet” du projet de fusion entre Hachette et Editis. "C'est un véritable tsunami cette histoire. Je suis très inquiet (...) On touche à des terrains extrêmement sensibles: le scolaire et le parascolaire", a déclaré Antoine Gallimard, à la tête du groupe Madrigall, maison mère des éditions Gallimard fondées par son grand-père, au micro de France Inter.
Si le projet l’inquiète, c’est d’abord à cause du poids de ce futur géant de l’édition qui regrouperait le numéro 1 et le numéro 2 du secteur. Antoine Gallimard pointe une présence de l’ordre de 80% sur les livres scolaires, “autour de 65%” sur la littérature de poche. De quoi écraser la concurrence. “C’est une exclusion de tous les autres [acteurs]”, affirme-t-il, alors que près de 5000 éditeurs se partagent le marché.
"La grande force de l'édition en France, c'est la diversité, c'est d'avoir des libraires indépendants, des petits éditeurs, des auteurs de toutes sortes. On fait un métier d'artisan. La démarche économique et industrielle" portée par Vincent Bolloré "n'a pas de sens", a-t-il martelé.
"Les 10 meilleures ventes de livres aujourd'hui sont diffusées et distribuées par Hachette et Editis. Que feront les autres à ce moment-là ? Les éditeurs ? Les petits auteurs ? Ça peut être un vrai problème de dislocation." Cela peut-être un problème de dislocation" du marché.
"Mes livres ne passeront plus. C'est déjà un peu en route"
Mais le fond du projet pose aussi question pour Gallimard. Son président dénonce l’attitude de Vincent Bolloré. "Il y a une illusion en disant qu'il va créer une sorte de grand divertissement à la Disney, et que le livra servira de ressource. Je n'y crois pas du tout”.
Le géant Vivendi, contrôlé par la famille Bolloré, s’étend bien au-delà du marché du livre. Les fusions des grands groupes de médias doivent nous alerter, selon Antoine Gallimard.
“Quand vous voyez que l’esprit Canal + a disparu, qu’il y a des rapprochements très forts entre CNews et Europe 1…pour moi, c’est très dangereux.”
Celui qui est aussi le président du groupe Madriagall s’attend à une forme de boycott de la part du milliardaire breton. “Mes livres ne passeront plus. C’est déjà un peu en route.”
"La culture ne devrait pas être dominée par la finance, c'est dangereux"
Le géant des médias Vivendi, contrôlé par la famille Bolloré, avait annoncé en septembre son intention de monter à 45% du capital du groupe Lagardère, puis de lancer une offre publique d'acquisition sur le solde des actions.
L'opération doit conduire au rapprochement de plusieurs médias comme Europe 1 et CNews, ainsi que des groupes Hachette Livre et Editis, concurrents dans de nombreux secteurs de l'édition, notamment dans les manuels scolaires.
L'opération doit ainsi être validée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et par la Commission européenne.
"Je ne vois pas comment Bruxelles pourra accepter ce projet. Ce sont des gens très avisés, très attentifs. Je veux croire à la profondeur de ce travail", a encore espéré ce mercredi Antoine Gallimard.
En 2004, le groupe Vivendi avait été empêché par la Commission européenne de céder la totalité de son pôle d'édition à Lagardère. La partie française, renommée Editis, avait été cédée à des investisseurs avant de revenir fin 2018 dans le giron de Vivendi.