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Les établissements financiers ont-ils tout faux sur leur communication RSE?

La communication des établissements financiers en matière de RSE est peu efficace.

La communication des établissements financiers en matière de RSE est peu efficace. - Pixabay / Nattanan23

[AVIS D'EXPERT] La communication RSE des banques et des assureurs manque largement ses cibles, comme le montre un récent sondage. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Il y a un problème avec la communication RSE des marques. Celles-ci, en effet, ont désormais largement intégré les objectifs de l’agenda climatique et elles y ajoutent de plus en plus une dimension sociale, sociétale qui, dans le cas des établissements financiers, est directement liée à leurs offres de base: placements orientés, bonus touchant les crédits et les assurances en faveur des mobilités vertes ou de l’immobilier, bilans carbone associés aux dépenses… Bien entendu, on peut soupçonner des effets de "greenwashing" derrière ces annonces. Mais nous ne parlons ici que de communication. Or, de ce point de vue, on peut désormais parler de surenchère entre les marques quant à afficher leur responsabilité sociale et environnementale.

Toutefois, régulièrement, les enquêtes d’opinion montrent que cette communication manque largement ses cibles. Devenue une sorte de déclaration de bonnes intentions obligée, elle n’est pas entendue par une bonne partie de la population: selon la récente enquête* Oracle France/Odoxa, 45% seulement des Français interrogés ont déjà entendu parler de la RSE ; et moins d’un salarié sur 2 (41%) connait les engagements de son entreprise en la matière. Ceci, sept ans après l’Accord de Paris, qui cadre notamment les engagements des entreprises et cinq ans après la mise en place de reportings extra-financiers. Ceci malgré une communication particulièrement massive et finalement plutôt contre-productive, quand on constate que 7 salariés sur 10 déclarent juger que, d’une manière générale, l’engagement des entreprises françaises est insuffisant en matière de RSE.

En somme, tout le monde trouve que la responsabilité sociale et environnementale est une très bonne chose mais elle mobilise peu. La transition énergétique, notamment, ne représente pas encore un marché de masse. Les études menées soulignent plutôt qu’un tiers des Français s’y intéresse réellement. Mais c’est un tiers actif qui souvent, de manière surprenante, connaît dans le détail les offres liées à la mobilité ou à l’immobilier.

Il ne s’agit pas cependant d’un segment de population réellement homogène. Certes, l’âge et le niveau de revenu marquent de grands clivages. Pour ce qui regarde les offres des banques et des compagnies d’assurance, le profil appétent type est un homme, entre 30 et 50 ans, qui dispose de revenus plutôt élevés et est sur-représenté en Ile-de-France (il y a une coïncidence forte avec le public-type des banques en ligne et des néobanques). Mais la situation personnelle et géographique (les pourcentages varient fortement selon les régions) représentent d’autres gradients importants. Selon les produits, le marché de la RSE a ses niches (les ruraux, ainsi, sont particulièrement intéressés par l’autopartage). Enfin, des éléments de distinction sociale interviennent – c’est notamment "l’effet Tesla", pour ce qui regarde les véhicules électriques.

Une attention particulière aux aides

Au total, en matière de RSE, une communication de masse mettant en avant des produits se perd largement face à des publics qui réagissent de manière nettement différenciée. La clé ne sont pas les produits mais les styles de vie.

Cependant, faut-il en rester à un tel constat et adapter la communication des marques en conséquence? Peut-être pas car il semble que, jusqu’ici, cette communication a manqué une orientation essentielle.

Si l’on considère la transition énergétique, en effet, les discours médiatiques sont frappés par une dichotomie entre une sensibilisation globale menée sous le registre de la catastrophe planétaire et des mesures très particulières souvent techniques et complexes (DPE, ZFE, …). Entre les deux, les enquêtes d’opinion soulignent que le public ne semble vraiment concerné que par les mesures d’aides à impact monétaire mises en place par l’Etat – le prêt à taux zéro lié à la transformation énergétique des habitations est assez bien connu ainsi.

Pour autant, les mesures en faveur de la transition ne semblent pas être vues comme opportunes face à l’inflation des coûts énergétiques. Dans ces conditions, la passivité caractérise souvent des populations qui sont parmi les plus exposées, parce qu’elles ont les moindres revenus – alors que les véhicules électriques demeurent chers, alors que les "passoires thermiques" vont être de plus en plus onéreuses à chauffer - ou parce qu’elles vivent dans des zones rurales ou périurbaines moins bien dotées en matière de modes de transport alternatifs.

Aussi surprenant cela puisse-t-il paraître, la relation transition énergétique/défense du pouvoir d’achat n’est pas encore présentée comme un argumentaire clé dans le contexte actuel. Il y a pourtant fort à parier qu’elle est à même d’intéresser un bien plus large public que les bonnes actions des marques.

*Enquête réalisée par internet les 8 et 9 février 2023 auprès d'un échantillon de 1005 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus dont
543 salariés. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes: sexe, âge, niveau de diplôme et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor