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Egalim: encore une loi au printemps, mais pour faire quoi?

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Alors que la crise agricole perdure et que les négociations commerciales battent leur plein, la ministre de l'Agriculture a annoncé qu'elle travaillait sur un nouveau texte de loi. Ce qui réjouit la plupart des acteurs du secteur.

Encore une loi, est-on d'abord tenté de dire… Une de plus pour régler un trop plein de normes et de contraintes administratives, n'est-ce pas rajouter de la complexité à la complexité? "Ce qu'une loi a fait, une loi seule peut le défaire", a assuré la ministre de l'Agriculture, lundi soir, dans le 20H de BFMTV. Depuis 2018, il y a déjà eu trois Egalim, pour équilibrer les relations commerciales dans le secteur agroalimentaire. Mais il reste plusieurs problèmes à régler.

Dans l'entourage d'Annie Genevard, on explique qu'il s'agit de "parachever l'édifice Egalim, en assurant le respect des principes de construction du prix en marche avant et de sanctuarisation de la matière première agricole".

On comprend qu'il n'est pas question de détricoter ce qui a été fait jusqu'ici, mais plutôt d'améliorer la loi et de simplifier. Comme base de travail, la ministre a reçu plusieurs rapports parlementaires.

Les agriculteurs satisfaits mais "attentifs"

Et étonnament, alors qu'ils se battent généralement contre l'accumulation des textes, la plupart des acteurs des négociations commerciales sont favorables à cette nouvelle loi, en ce qu'elle leur faciliterait la vie.

"Pour faire un contrat Egalim aujourd'hui, c'est d'une complexité sans nom!", résume l'un d'entre eux. "On est passé de 5 à 100 feuilles de papiers!"

Du côté des agriculteurs, d'abord, la FNSEA salue la reprise des travaux, là où ils se sont arrêtés du fait de la dissolution. Plusieurs propositions du rapport des députés Anne-Laure Babault et Alexis Izart séduisent le syndicat majoritaire de la profession. Comme la création d'une date-butoir, en amont, dans les négociations commerciales, pour que les producteurs et les fournisseurs s'entendent sur un prix, avant que ces derniers n'aillent négocier avec les distributeurs. Ou une clarification des indicateurs de coûts de production.

Mais les agriculteurs préviennent qu'ils vont être "très attentifs": "Derrière le mot simplification, on peut tout mettre", explique Yannick Fialip, qui préside la commission économique de la FNSEA. "Attention, dit-il, à ne pas vider la loi de sa substance, en fonction des intérêts des uns et des autres."

Les distributeurs veulent une loi plus équilibrée

La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et les principaux représentants des industriels de l'agroalimentaire soutiennent aussi l'émergence d'un nouvel Egalim. Depuis plusieurs mois, les distributeurs plaident d'ailleurs, aux côtés des agriculteurs, pour la création d'une date-butoir en amont dans les négociations commerciales. Plus globalement, ils estiment qu'ils ont été désavantagés jusqu'ici dans les différentes versions d'Egalim.

"Il y a eu trois lois et pas une mesure qui équilibre en faveur des distributeurs", regrette Layla Rahhou, déléguée générale de la FCD.

Dans son viseur notamment, la fameuse "option 3", qui permet aux industriels de l'agroalimentaire de faire valider leurs chiffres par des tiers de confiance. Les distributeurs exigent sa suppression et demandent davantage de transparence, notamment en ce qui concerne le coût et la provenance de la matière première agricole.

Du côté de l'Ilec, qui représente 106 entreprises de marques de produits de consommation, on assure qu'on n'est pas contre un ajustement de cette option 3, pour être "le plus transparent possible", mais plusieurs patrons d'adhérents expliquent qu'il n'est pas possible de la supprimer. Cela reviendrait, disent-ils, à livrer leurs recettes aux distributeurs, qui produisent eux-mêmes de plus en plus leurs produits sous marque propre.

Une mesure met tout le monde d'accord

À l'Ilec, on se dit pour un bilan chiffré, économique, des dispositifs d'Egalim, et favorable, aussi, à un ajustement de la loi "pour rendre les choses plus simples et plus efficaces."

Mais "on peut écrire toutes les lois qu'on veut, si elles ne sont pas respectées, cela ne marche pas", assène Nicolas Facon, le nouveau président du lobby.

Dans son viseur, toujours: les centrales d'achats européennes, utilisées par les distributeurs, pour "contourner", selon lui, la loi française. Il estime que la perspective d'une nouvelle loi au printemps est une bonne chose, puisque "cela permettra de tirer les conséquences des négociations commerciales" qui se déroulent jusqu'au 1er mars.

Il y a une mesure sur laquelle s'accordent la quasi-totalité des acteurs de ces négociations commerciales: la prolongation du dispositif qui oblige les distributeurs à vendre les produits alimentaires au moins 10% plus cher que ce qu'ils les ont achetés. Mis en place dès la première loi Egalim, il a été renouvelé depuis et se termine le 15 avril.

"Quoiqu'on en pense, il faut le prolonger en 2025", assure le patron de l'Ilec, au risque d'un "séisme" et d'une "guerre des prix".
L'invité de Charles Matin : Agriculteurs, nouvelle année, même colère - 06/01
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7:23

Supprimer la limite des promos sur les produits d'hygiène

Dans un entretien au Journal du Dimanche, Annie Genevard a annoncé "un nouveau projet de loi au printemps", mais on n'a pas plus de précisions sur le calendrier. Du côté de la FCD, on espère en tous cas que le texte sera voté avant les prochaines négociations commerciales, à l'automne prochain.

Mais avant cela, les distributeurs ont une priorité: mettre fin à l'encadrement des promotions pour les produits d'hygiène et de beauté (DPH). La mesure date de la troisième version Egalim, appelée aussi "loi Descrozaille". Ses détracteurs estiment qu'elle a été directement dictée par le lobby des industriels. Pour le pouvoir d'achat des Français, il est "urgent" d'y mettre fin, plaide Layla Rahhou, qui ajoute que cela ne coûterait rien à l'État et que "cela n'aurait aucune conséquence négative pour les agriculteurs, puisque ces promotions concernent des produits sans matière première agricole."

La suppression de ce dispositif est en tous cas "l'objectif numéro 1" cette année pour les patrons des grandes enseignes françaises, qui comptent ainsi, dès que possible, remporter une manche face aux industriels.

Pauline Tattevin