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La Cour des comptes chiffre les dépenses publiques pour les JO de Paris à près de 6 milliards d'euros (plus de 2 fois moins que ceux de Tokyo 2021)

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Dans leur dernier rapport, les sages de la rue Cambon estiment les dépenses d'organisation des Jeux par les pouvoirs publics à moins de 2,8 milliards d'euros et celles liées aux infrastructures à près de 3,2 milliards d'euros.

L'addition finale des Jeux de Paris pour les caisses publiques commence à se dessiner. Dans un rapport dévoilé aujourd'hui, la Cour des comptes réalise une première estimation des dépenses publiques liées à l'organisation de l'évènement l'été dernier. Dans le cadre d'une enquête associant les chambres régionales des comptes d'Île-de-France et de Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'institution financière a recueilli des données auprès du comité d'organisation, de la Solideo, de certains ministères ou encore de collectivités territoriales et d'agences régionales de santé ou de celle du sport.

Au 31 mars dernier, les sages de la rue Cambon aboutissent à des dépenses publiques liées aux Jeux légèrement inférieures à 6 milliards d'euros avec d'une part des dépenses d'organisation de 2,77 milliards d'euros et d'autre part un poste consacré aux infrastructures pour un montant de 3,19 milliards d'euros.

En revanche, il s'agit de dépenses brutes et pas nettes puisque le chiffrage n'intègre pas les recettes issues des Jeux. Par ailleurs, la Cour des comptes manque encore de certaines données relatives aux dépenses des collectivités territoriales. De même, les dépenses fiscales liées à l'organisation de l'événement ne sont pas intégrées et la Cour des comptes appele l'administration fiscale à les évaluer "sans délais" afin d'affiner l'estimation globale. Un rapport de synthèse affinant cette "note d'étape" sera dévoilé le 1er octobre avec notamment des recommandations de l'institution en vue de l'organisation des Jeux d'Hiver 2030 dans les Alpes.

Des dépenses publiques "plus limitées" qu'à Londres

Jusqu'à présent, seuls les comptes du comité d'organisation (Cojo) à 4,4 milliards en dépenses (76 millions d'euros d'excédent) reposant quasi essentiellement sur des financements privés et ceux de la Solideo (Société des livraison des ouvrages olympiques) comprenant une part publique, étaient connus.

"On ne peut pas parler de dérive budgétaire, assure le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici. Ces Jeux sont loin d'être les plus chers de l'Histoire."

A titre de comparaison, les JO de Tokyo de 2021 (reportés d'un an à cause de la pandémie) avait coûté 1.699 milliards de yens, soit l'équivalent de 12,7 milliards d'euros actuels. La Cour des comptes locale avait pointé une explosion des coûts (pas seulement à cause de la pandémie) puisque la facture des Jeux de Tokyo avait été initialement chiffrés à 734 milliards de yens en 2013 (environ 5 milliards d'euros). Elle avait donc plus que doublé au final. "Il semble que les dépenses publiques parisiennes soient plus limitées qu'à l'édition de Londres en 2012", indique également Pierre Moscovici.

Un poste de sécurité particulièrement coûteux

Dans le périmètre des dépenses d'organisation, le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) a bénéficié de près de 287 millions d'euros de financements publics, soit 6,4% de son budget total, dont une grande partie était orientée vers les Jeux paralympiques. En dehors du COJOP, plus de 2 milliards d'euros d'argent public ont été consacrés à l'organisation de l'évènement dont plus de 1,4 milliard pour la sécurité. S'il estime que les montant identifiés sont cohérents avec l'importance de l'événement et qu'ils ne correspondent pas à "une dépense excessive", Pierre Moscovici déplore néanmoins une "sous-budgétisation" des dépenses de sécurité en amont.

"La sécurité n'a pas coûté 200 millions d'euros comme budgétisé."

Avec plus d'un demi-milliard d'euros pour renforcer les offres de la RATP et de la SNCF, les transports représentent l'autre poste majeur de dépenses publiques. A cela s'ajoutent près de 70 millions d'euros de dépenses des ministères, opérateurs de l'Etat et autres collectivités territoriales dont presque un tiers dédiés à la santé.

Sur le plan sportif, plus de 80 millions d'euros ont été injectés pour assurer la performance des meilleurs athlètes français lors des Jeux. Par ailleurs, quelque 341 millions d'euros ont été affectés à la mobilisation populaire à travers plusieurs dispositifs comme la billetterie populaire, le Club France et les nombreuses fan zones mais aussi les dépenses des collectivités territoriales labellisés "Terre de Jeux" ou participant au "Relais de la Flamme" ainsi que les programmes éducatifs et socio-culturels (semaine olympique et paralympique, 30 minutes d'activité par jour). Un dixième de ce poste correspond au financement des moyens déployés par France Télévisions pour couvrir l'évènement.

Des collectivités territoriales mobilisées pour financer les infrastructures sportives

Du côté des dépenses d'infrastructures, elles dépassent les 2 milliards d'euros avec près des deux tiers pour les installations sportives comme les sites de compétition et ceux d'entraînement ainsi que les centres de préparation des Jeux mais aussi le matériel utilisé : les collectivités territoriales ont financé ces dépenses liées aux infrastructures sportives aux trois quarts. En revanche, l'Etat a été davantage présent (à hauteur de 70%) dans le financement public du gros tiers restant qui correspond aux aménagements urbains réalisés en parallèle des villages olympique et des médias.

Outre l'offre de transports, la sphère publique a également contribué aux infrastructures de transport elles-mêmes pour un montant avoisinant les 600 millions d'euros. La Cour des comptes indique que "236 millions d'euros ont été comptabilisés au titre des surcoûts d’accélération ou des modifications de programmation portant sur des projets qui, bien que préexistants aux Jeux, ont vu leur calendrier modifié en fonction de ceux-ci", citant le prolongement de la ligne 14 du métro et celui du RER E à l'ouest de Paris (projet EOLE).

"Les dépenses d'infrastructures semblent avoir été contenues malgré quelques dépassements", constate le président de la Cour des comptes.

Enfin, l'institution financière se montre un peu plus vague sur le coût exact du plan "baignade" visant à rendre la Seine "baignable" à partir de 2024 qui n'est donc pas intégré dans l'estimation de 6 milliards d'euros. Les magistrats évoquent une fourchette allant de 200 millions d'euros à un milliard car une partie des investissements opérés "ont également contribué à atteindre des obligations fixées par deux directives européennes concernant la qualité de l’eau (la directive cadre sur l’eau de 2000, la directive sur les eaux résiduaires urbaines de 1991 révisée en 2024)."

Timothée Talbi