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Croissance: pourquoi la prévision du gouvernement sera difficile à tenir

L'OCDE a rendu mardi son dernier rapport sur l'économie française.

L'OCDE a rendu mardi son dernier rapport sur l'économie française. - Philippe Huguen - AFP

Avec une croissance plus faible en 2018, l'économie démarre l'année 2019 à une rythme plus lent qu'il y a un an. Le train devrait être très difficile à rattraper pour atteindre l'objectif de 1,7% espéré par le gouvernement. Le risque est de voir le déficit se creuser encore davantage.

L'économie a levé le pied en 2018. Après une vive accélération à 2,3% en 2017, la croissance a ralenti à 1,5% l'année dernière, selon une estimation de l'Insee publiée ce mercredi. Le résultat est en-dessous de la prévision du gouvernement, qui visait 1,7%.

Ce dernier s'est fixé le même objectif pour 2019. Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a rappelé sur BFMTV ce mercredi que cette prévision de 1,7% est bien maintenue. Ce chiffre a de l'importance car, c'est sur cette base que le gouvernement a calculé le déficit, de 3,2% pour 2019 (bascule du CICE comprise). Une croissance plus faible signifie des rentrées fiscales en moins et un déficit qui se creuse.

En économie, la performance réalisée sur une année a une incidence sur celle de l'année suivante. Avec la croissance de 2017, la France avait démarré 2018 avec un bon point de départ (ce que les économistes appellent un "acquis"). Avec celle, plus faible, de 2018, la France entame cette année à "un rythme beaucoup plus faible", explique Denis Ferrand, directeur général de Rexecode. Autrement dit, "il va falloir cravacher plus fort que l'année dernière pour obtenir le même taux de croissance", poursuit-il, et encore davantage pour atteindre le taux de 1,7% espéré par le gouvernement.

En 2018, le PIB a progressé d'environ 0,25% en moyenne par trimestre, il faudrait accélérer à 0,55% cette année pour atteindre l'objectif du gouvernement, selon les calculs de Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum AM. "Ce rythme me paraît totalement illusoire", commente-il prévoyant pour sa part 1,1%.

Qui des effets des mesures sur le pouvoir d'achat?

Pourtant, l'exécutif a mis sur la table 10 milliards d'euros supplémentaires en faveur du pouvoir d'achat pour stimuler la consommation, moteur de la croissance française. "Une partie de ces gains seront placés en épargne par les ménages. Pour ce qui sera consommé, la France pourrait ne pas avoir les capacités de production suffisantes pour y répondre", les consommateurs se reporteraient alors sur les importations, analyse Denis Ferrand, qui prévoit 1,3% de croissance pour 2019.

Directeur du département analyse et prévisions à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Éric Heyer est plus optimiste: "Ce sera assez compliqué de faire 1,7%, mais ce n'est pas impossible". L'économiste pointe plusieurs éléments positifs pour cette année: un gain de 0,5% de PIB grâce au budget 2019, selon les récents calculs de ses collègues de l'OFCE, la baisse du prix du baril de pétrole et des conditions monétaires toujours favorables. "À côté de ça, on a des points de vigilances qu'on a énormément de mal à anticiper, à savoir l'issue du Brexit, la suite de la guerre commerciale..." explique Éric Heyer. "Imaginons que ces points de vigilance restent des points de vigilance, qu'on n'ait pas de Brexit dur, pas d'escalade dans la guerre commerciale... ce n'est pas impossible de faire 1,7%." 

Si les prévisions les moins optimistes venaient à se confirmer, le déficit pourrait atteindre les 3,5% du PIB, soit l'ultime limite prévue par les traités européens. Le commissaire européen Pierre Moscovici avait prévenu le gouvernement français que le déficit pouvait dépasser les 3%, à condition que ce soit "temporaire" et "maîtrisé". Bruxelles peut difficilement continuer à être clément avec la France et durcir le ton avec l'Italie. Si la croissance n'est pas au rendez-vous, Paris pourrait être contraint de faire de nouvelles économies. 

En terme de timing, cela tombe mal. "On affronte cette contrainte au moment où la croissance ralentit", déplore Denis Ferrand. "En France, c'est toujours la même chose, quand ça va bien on augmente les dépenses publiques qui deviennent permanentes et on va devoir les réduire parce que la croissance ne génère plus assez de recettes pour financer ces dépenses", renchérit Phillipe Waechter. Pour les deux économistes, cela fait plusieurs décennies que la question traîne, faute de choix politiques. Emmanuel Macron en fera-t-il à l'issue du grand débat?

Jean-Christophe Catalon