Comment les inégalités de revenus se perpétuent au sein des familles françaises

L’égalité des chances à la naissance est-elle un mythe? Si plusieurs études ont déjà mis en avant le poids de l’origine sociale dans la reproduction des inégalités en comparant les catégories socioprofessionnelles des parents et de leurs enfants, jamais la mobilité intergénérationnelle n’avait, en France, été mesurée à travers le prisme du revenu.
C’est désormais chose faite. Grâce à l’enrichissement des données fiscales, l’Insee a pour la première fois relié directement les revenus des enfants, une fois entrés dans la vie active, à ceux de leurs parents. Sans grande surprise, il ressort de ces travaux que "mieux les parents sont classés dans l’échelle des revenus, mieux le sont également en moyenne leurs enfants par rapport aux jeunes adultes de leur génération", relève l’institut de la statistique.
Un tiers des enfants les plus aisés le restent une fois adultes
Dit autrement, les inégalités de revenus se reproduisent, au moins en partie, d’une génération à l’autre. En regardant quels étaient, en 2018, les revenus des enfants des ménages figurant, huit ans plus tôt, parmi les 20% les plus modestes, l'Insee constate que 31% d'entre eux figuraient également parmi les 20% les plus pauvres de leur classe d’âge. A l’autre bout de l'échelle, un tiers des filles et fils des ménages comptant parmi les 20% les plus aisés parvenaient dès leurs 28 ans à figurer eux aussi dans cette catégorie.
De manière générale, "les enfants des familles aisées ont trois fois plus de chances de faire partie des plus hauts revenus que ceux issus des familles modestes", note l’Insee. Il existe donc bien une corrélation, mesurée à 0,24 (plus le coefficient est proche de 1, plus la relation est importante) par l’Insee, entre le niveau de revenus des parents et celui de leurs enfants. Autrement dit si l’on divise la population par ordre croissant de revenu en dix tranches égales (déciles), les enfants des parents les plus aisés sont "en moyenne classés entre 2 et 3 déciles plus haut" que ceux des parents situés en bas de la distribution, souligne l’institut de la statistique.
La corrélation observée par l’Insee entre les revenus des jeunes adultes et celui de leurs parents est plus importante en France que dans les pays nordiques, indique l’Insee. En revanche, la mobilité intergénérationnelle fonctionne mieux dans l’Hexagone qu’aux Etats-Unis (corrélation supérieure à 0,30).
Une mobilité ascendante et descendante
Bien entendu, les revenus des enfants devenus adultes ne dépendent pas uniquement des revenus de leurs parents. Il existe d'ailleurs aussi bien des cas de mobilité dite "ascendante" que "descendante". Toujours selon l’Insee, "parmi les enfants de parents défavorisés (tout en bas de la distribution des revenus des parents), un quart fait partie des 40 % aux revenus les plus élevés de leur génération" et 12% font partie des 20% les plus aisés. Parmi les enfants des parents les plus riches, un quart appartient à l’inverse aux 40% des revenus les plus faibles et 15% font même une mobilité très descendante vers les 20% les plus pauvres.
Une mobilité ascendante plus probable pour les hommes et les enfants d’Ile-de-France
Les inégalités entre les hommes et les femmes s’observent aussi à travers cette mobilité intergénérationnelle. Ainsi, les fils ont près de deux fois plus de chance de réaliser une mobilité ascendante vers les 20% les plus aisés que les filles. En 2018, 15% des garçons de 26 à 29 ans issus de parents faisant partie des 20% des revenus les plus faibles se situaient parmi les 20% les plus riches, contre seulement 8% des filles.
Les inégalités sont aussi géographiques, la mobilité ascendante étant plus élevée pour les enfants d’Ile-de-France (21% issus de familles modestes comptent aujourd’hui parmi les plus aisés) et plus faible pour ceux des Hauts-de-France (7%).
"Cet effet est lié à l’attractivité et aux opportunités d’études supérieures et d’emplois qu’offre l’Île-de-France", indique l’Insee, précisant que l’attractivité de la région capitale "se diffuse partout dans son territoire, ce qui rend les taux de mobilité homogènes au sein de la région. La mobilité ascendante est ainsi très proche en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine (19 %) alors que les deux départements sont très éloignés en matière de revenu moyen".