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Baisse d'impôts: pour Oxfam, le gouvernement a raté sa cible

Oxfam.

Oxfam. - Andy Buchanan - AFP

L'ONG estime, pour des raisons de justice fiscale, que la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu annoncée par le gouvernement devrait concerner seulement les classes moyennes. Elle plaide pour que les bénéficiaires soient uniquement ceux qui sont soumis à la première tranche d'imposition.

Une plus grande justice fiscale. Cette revendication à l'origine du mouvement des gilets jaunes est partagée par de nombreux Français. Le gouvernement a tenté d'y répondre, d'abord en prenant des dispositions en faveur du pouvoir d'achat, puis en annonçant une baisse de l'impôt sur le revenu à partir de l'année prochaine. Mais pour Oxfam France, le compte n'y est pas. L'ONG formule ce lundi 10 recommandations auprès du gouvernement et des parlementaires pour mieux cibler la mesure de baisse d'impôt et "faire la chasse aux niches fiscales", afin de "ramener plus de justice dans notre système" d'impôts.

Lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée, Édouard Philippe a déclaré que la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu sera concentrée "sur les classes moyennes qui travaillent". Selon l'Oxfam, le Premier ministre est allé un peu vite en besogne. Car, les ménages aisés aussi seront concernés. Par exemple, un célibataire ayant un revenu de 6500 euros nets par mois verra aussi ses impôts baisser, selon les calculs de Pierre Madec, économiste à l'OFCE. 

Cibler uniquement les contribuables soumis à la première tranche

La mesure du gouvernement concerne les contribuables soumis à la première et ceux soumis à la première et la seconde tranche marginale d'imposition. L'effet est neutralisé pour les ménages assujettis aux tranches supérieures, autrement dit ils paieront le même montant d'impôt. Ainsi, la quasi-totalité (97%) des 16,8 millions de foyers fiscaux qui payent l'impôt sur le revenu devrait en bénéficier.

Pour mieux répondre à l'exigence de justice fiscale, Oxfam estime qu'il faut réduire la cible. L'ONG recommande que l'intégralité des 5 milliards d'euros soient consacrés uniquement à faire baisser l'impôt de ceux assujettis à la première tranche seulement. Cela représente 70% des foyers qui payent cet impôt sur le revenu. Dans le barème actuel, il s'agit des ménages déclarant un revenu annuel jusqu'à 27.519 euros.

Avec la formule proposée par Oxfam, les contribuables de la première tranche bénéficieraient d'un gain annuel compris entre 416 et 453 euros en moyenne, selon les calculs de l'ONG. Cela représente entre 66 et 103 euros de plus par rapport à la formule retenue par le gouvernement. En revanche, l'effet est neutralisé pour les contribuables soumis aux tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, alors qu'avec le gouvernement, ceux qui sont aussi dans la deuxième tranche verront leur impôt baisser de 180 euros en moyenne. 

Revoir l'impôt sur le revenu 

Changer la cible de cette mesure de baisse d'impôt serait "un premier pas vers plus de justice fiscale", souligne Quentin Parrinello, responsable de plaidoyer Justice Fiscale et Inégalités chez Oxfam France. "Mais il faut aller plus loin et réformer en profondeur", insiste-t-il.

Parmi ses recommandations, l'ONG propose d'ajouter de nouvelles tranches à l'impôt sur le revenu pour le rendre plus progressif. Il est aussi question de rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et donc de supprimer ses remplaçants: l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) et le prélèvement forfaitaire unique (PFU). 

"Aller beaucoup plus loin" sur les niches fiscales

L'organisation propose également une série de mesures concernant les niches fiscales. Le gouvernement doit en réviser certaines, pour dégager des économies de l'ordre de 1,5 milliard d'euros permettant de financer les 5 milliards d'euros de baisse d'impôt. 

"Il faut aller beaucoup loin en osant s'attaquer aux totems du CICE et du CIR et allant véritablement à la chasse de toutes les niches fiscales en particulier anti-écologiques qui représentent des manques à gagner considérables pour l'Etat", selon Quentin Parrinello.

Il est question notamment de revenir progressivement sur le CICE (transformé depuis cette année en baisses de charges pérennes), de faire payer des pénalités financières à hauteur du montant de CICE perçu lorsqu'une entreprise supprime un emploi. L'ONG demande aussi plus de transparence sur les niches qui concernent les entreprises et les particuliers. Ainsi qu'une meilleure évaluation de leurs effets et de prendre des mesures en conséquence. La Cour des comptes, elle-même, a pointé le manque d'évaluation des niches fiscales, alors que certaines ne remplissent pas l'objectif escompté.

Jean-Christophe Catalon