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Finances publiques

60.000 euros en 2024: pourquoi la taxe sur les grands yachts ne rapporte presque rien (entre 80 et 160 fois moins qu'espéré)

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Lors de son instauration en 2018, le gouvernement tablait sur un gain de 5 à 10 millions d'euros par an pour les caisses de l'Etat.

Une paille. La taxe française sur les yachts de plus de 30 mètres n'a rapporté que 60.000 euros en 2024, rapporte Nice-Matin. Une somme dérisoire au vu des objectifs de cette taxe: lorsqu'elle a été instaurée en 2018, le gouvernement tablait sur entre 5 et 10 millions d'euros de rentrées fiscales par an. Ces 60.000 euros collectés en 2024 sont donc 80 à 160 fois inférieurs aux attentes escomptées par le gouvernement de l'époque.

Seulement cinq de ces navires auraient été effectivement taxés.

Et ce n'est pas un accident de parcours puisque la "taxe yacht" plafonne depuis des années, entre 2018 et 2019, seulement 82.500 euros ont été collectés.

Rappelons que cette taxe vise les grands navires de plaisance ou de sport appartenant à ou utilisés par des résidents français, et a pour objet de compenser en partie l’exclusion des biens mobiliers de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui a remplacé l’ISF. Il s'agissait alors d'alourdir la taxe sur le droit annuel de francisation et de navigation des grands navires. 

Le montant de la taxe est compris entre 30.000 et 200.000 euros par bateau de plaisance et varie selon sa longueur et sa puissance.

Dès 2019, Joël Giraud, député République en Marche, et rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, soulignait dans son rapport d’information le caractère "très décevant" du rendement de cette taxe.

Peu de contrôles

Comment expliquer un tel bide? D'autant plus que le nombre de navires concernés est assez réduit (on évoque quelques dizaines).

Il semblerait que de nombreux propriétaires "oublient" de s'acquitter de la taxe d'autant plus que les modalités d'application sont assez complexes. Dans le même temps, la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), qui collecte la taxe, n'aurait pas vraiment cherché à l'appliquer. Joël Giraud s'interroge ainsi sur des "explications pour le moins obscures" de cette administration.

"C'est impossible qu'elle rapporte aussi peu. Cela voudrait dire qu'il y a moins de dix personnes de nationalité française qui utilisent des grands yachts. On se fiche vraiment de nous!", s'emportait en 2019 le député. Mais depuis, rien ne semble avoir changé.

"Il faut aller sur le terrain et effectuer des contrôles sinon, je ne vois pas comment on peut les forcer à le faire" (mais les yachts) "ne sont pas la priorité de notre administration", réagissait Manuela Dona, Secrétaire générale du Syndicat national des agents des douanes. 

L'évaluation des rentrées fiscales pose également question. Selon Le Monde, les services concernés "n’ont pas pu produire une estimation adéquate, l’assiette étant difficile à évaluer, dans les délais extrêmement réduits impartis. Si bien que le chiffre de 10 millions d’euros, jamais confirmé par Bercy ou Matignon, a prospéré".

"On savait, nous professionnels, comme les services de l’État d’ailleurs, que cette taxe ne pourrait pas rapporter autant d’argent. Ils ont raconté n’importe quoi, abonde Thierry Voisin, président du Comité européen pour le yachting professionnel.

Interrogé, le ministère de l'Economie n'a pas encore retourné notre demande de commentaires. 

Outre les caisses de l'Etat, la principale victime de ce bide fiscal est la Société nationale de sauvetage en mer qui devait percevoir une belle partie des recettes.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business