Allemagne : la grande coalition au bord de l'implosion

La chancelière allemande Angela Merkel avec son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas et son vice-chancelier Olaf Scholz, avant le conseil des ministres à Berlin, mardi 15 mai 2019 . - TOBIAS SCHWARZ / AFP
À première vue, c'est un communiqué très banal qui a été publié à l'issue du sommet de la grande coalition mardi soir à Berlin : « La coalition s'est entendue sur le calendrier de ses futurs chantiers, dans le contexte de l'estimation du budget 2020 et des travaux en vue de la mise en œuvre des objectifs de protection de l'environnement ».
Au bord de l'implosion
Mais entre les lignes, ce communiqué contient tout ce qui pourrait faire exploser la grande coalition : des recettes fiscales en baisse et la question de leur redistribution (« dans le contexte de l'estimation du budget 2020 ») et l'introduction controversée d’une taxe sur le CO2 (« mise en œuvre des objectifs de protection de l'environnement »).
En effet, les dernières estimations des recettes fiscales d'ici à 2023 font état d'un manque à gagner de 10,5 milliards d'euros avec les précédentes prévisions. Or, les Sociaux-Démocrates veulent instaurer une retraite de base sans condition de ressource alors que les Chrétiens démocrates de la CDU-CSU eux, veulent baisser les impôts et notamment abolir la surtaxe de solidarité, créée pour soutenir la reconstruction économique dans les régions de l'ex-RDA.
Mais aucun de ces sujets n'a fait l'objet d'arbitrage mardi soir. Un seul dossier a fait l'objet d'avancées concrètes : l’amélioration des conditions de travail des livreurs de colis. La Grande Coalition s'est par ailleurs engagée à réduire d'au moins un milliard d'euros la charge fiscale sur les petites et moyennes entreprises et de mettre en place un allègement supplémentaire en faveur des citoyens et de l'administration, mais sans donner plus de détail.
Sujets qui fâchent reportés
Toutes les décisions concernant les sujets qui fâchent ont été reportées après les élections européennes prévues à la fin du mois.
Mais le SPD n'a pas l'intention de céder sur la retraite de base sans critère de ressources. La chef du parti, Andrea Nahles et le vice-chancelier, Olaf Scholz, en ont fait une question de crédibilité auprès de leurs électeurs. « On ne peut pas se contenter d'un compromis paresseux » a déclaré un représentant du SPD, cité par le Spiegel. « Nous devons rester inflexibles » renchérit un autre camarade, toujours dans l'hebdomadaire.
Le ministre du Travail, Hubertus Heil, compte présenter prochainement un projet de loi, qui s'annonce explosif. Les Chrétiens-Démocrates sont vent debout contre une mesure qu'ils jugent trop onéreuse dans le contexte actuel. Le chef du groupe parlementaire CSU, Alexander Dobrindt, a accusé mardi Hubertus Heil de promouvoir « une politique totalement incompréhensible ». La chef de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, a elle accusé le SPD « de ne plus être fiable ».
Forces centrifuges
Les éditorialistes du Spiegel concluent : « Les forces centrifuges sont devenues si fortes des deux côtés qu'il semble inenvisageable que le SPD et l'Union CDU-CSU puisse continuer à travailler ensemble jusqu'à la fin de la législature, à l'automne 2021 ».