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Consommation: la crise du Covid a conduit les plus riches à apprécier la sobriété

Consommer plus sobre : une tendance que la crise de la Covid-19 pourrait amplifier

Consommer plus sobre : une tendance que la crise de la Covid-19 pourrait amplifier - Christian Petersen / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Le mode de consommation des Français change. Ils privilégient la qualité à la quantité, la nécessité au plaisir. La crise du Covid-19 a même amplifié cette tendance chez les plus aisés.

Chaque crise a des effets sur la consommation, mais la dernière pourrait avoir des effets durables. Selon l’enquête "Tendances de consommation" du Crédoc*, le confinement a convaincu les Français que le bonheur ne repose plus sur une consommation effrénée et dénuée de sens. "La crise de la Covid-19 a conduit à se concentrer sur les besoins vitaux: manger, dormir, prendre soin de soi", concluent les enquêteurs du Crédoc

Qu'il s'agisse de se nourir, de se vêtir, de s'équiper et de se divertir, le simple plaisir de posséder n'est plus un critère pour dépenser son argent. Les Français veulent à la fois consommer moins, mieux, plus localement et avec le moins d'incidence possible sur l'environnement et ne pas dépenser plus que le nécessaire.

D'année en année, l'achat plaisir cède du terrain à l'achat nécessaire. En 2019, le plaisir motivait 18% des consommateurs et la nécessité 30%. En 2020, ces deux critères sont désormais respectivement de 16 et 36%.

L’enquête du Crédoc montre que "la part de consommateurs jugeant l’usage d’un bien ou d’un service plus important que sa possession est passée de 65 % en 2010 à 76 % en 2019, soit une progression de 11 points".
Le plaisir de consommer se développe dans les périodes économiques favorables, mais s’atténue pendant les périodes plus difficiles
Le plaisir de consommer se développe dans les périodes économiques favorables, mais s’atténue pendant les périodes plus difficiles © Crédoc

Il ne s'agit pas non plus de se priver, mais d'avoir une attitude éthique et responsable. En 2020, les Français n'ont jamais été si nombreux à freiner leur consommation pour faire des économies. En 2014, ils étaient 45% à le faire, ils sont désormais 60%, soit une progression fulgurante de 15 points selon l'observatoire.

Entreprises éthiques et circuits courts

La volonté de dépenser moins n'est pas une finalité, puisque contrairement aux années précédentes, le but n'est pas de faire de bonnes affaires dans les magasins ou sur Internet. Ils sont moins nombreux qu'en 2019 à acheter des produits moins chers (61% contre 68%) ou à faire des achats en ligne (46% contre 52% en 2019).

En 2020, 60 % des consommateurs ont eu l’impression de faire des économies en consommant moins contre 45 % en 2014
En 2020, 60 % des consommateurs ont eu l’impression de faire des économies en consommant moins contre 45 % en 2014 © Credoc

Désormais, d'autres critères entrent en ligne de compte. "Le critère d'achat qui a le plus progressé en vingt ans est celui lié au respect du droit des salariés de la part du fabricant". Il a grimpé de 14 points, selon cette enquête du Crédoc.

Le second critère repose sur l'origine des produits. Jamais, selon cette enquête, les Français n'ont été plus sensibles aux achats de produits régionaux. En 2020, 75% de consommateurs se déclarent fortement incités par ce critère. En 2008, ils n'étaient que 54%. "Le fait que le produit soit issu de circuits courts reste lui aussi élevé", précise l'étude en signalant que le made in France a gagné 8 points depuis 2008.

"L’achat local est davantage valorisé par les Français pour des raisons d’ordre écologique (réduire le temps de transport des produits consommés), socio-économique (favoriser l’économie et protéger les emplois de sa région ou de son pays), ou culturel (préférence pour les produits français ou régionaux)", explique le Crédoc.

Mais si ce "bonheur est "moins centré sur la possession", le Crédoc constate qu'il est "toujours très lié à l’aisance financière". Dans l'enquête, six groupes de consommateurs se distinguent. Les désimpliqués (9 %), les basiques (18 %) et les économes (5 %) sont moins soucieux du développement durable. Les basiques sont souvent des personnes âgées qui consomment moins, les deux autres classes quant à eux consommeraient plus si leurs moyens le leur permettaient.

Idem pour les stratèges (17 %) qui consommeraient davantage s’ils le pouvaient tout en restant favorables au développement durable. Ce groupe se compose principalement d'individus de 25 à 44 ans, vivant en couple avec des enfants, et plus diplômés que la moyenne.

Un nouveau luxe de la période post-Covid-19

Les engagés font partie du tiers des Français les plus impliqués dans la simplicité volontaire (55 % contre 33 %) et limitent au maximum leurs achats à ceux de nécessité. Si elle avait plus d’argent, cette population déjà aisées le dépenserait dans un logement, les soins médicaux et de beauté, l'alimentation ou les enfants. Ces consommateurs engagés concilient la simplicité volontaire et le bonheur et se déclarent plus souvent assez heureux (74 %, contre 65 % en moyenne). Ils sont plus nombreux parmi les personnes se sentant très heureuses (33 % contre 16 %).

Enfin les consommateurs matures adoptent une forme de simplicité dans leur consommation qui semble avant tout guidée par des besoins plus réduits dus à leur âge plus avancé et à leur bon niveau de vie. "Contrairement aux consommateurs engagés, le groupe des matures se caractérise par une surreprésentation d’individus qui ne souhaiteraient pas dépenser davantage même si leur revenu augmentait".

Les matures font moins d’achats sur un coup de tête que la moyenne, ils utilisent les transports en commun et achètent fréquemment des produits d’occasion. Ils déclarent faire des économies en consommant moins et en achetant moins cher. Cette catégorie, dans laquelle on retrouve les plus riches, pose la question de la déconsommation qui constituerait le nouveau luxe de la période post-Covid-19.

* L’enquête "Tendances de consommation" du Crédoc a été menée en ligne en 2013, 2019 et 2020. L’enquête de 2020 a été menée du 6 au 16 avril 2020 auprès de 1000 individus représentatifs des 18 ans et plus.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco