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Comment le gouvernement compte dérouler sa réforme de l'assurance chômage

Le chômage a baissé de 1% au premier trimestre.

Le chômage a baissé de 1% au premier trimestre. - Philippe Huguen - AFP

Malgré le front uni des syndicats, le gouvernement a annoncé qu'il entendait appliquer de manière partielle sa réforme à partir du 1er juillet. Quel sera la calendrier, pour quelles mesures et quelles cibles?

La réforme de l'assurance chômage est sur les rails. Elle entrera en vigueur le 1er juillet pour le nouveau mode de calcul controversé de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, ont indiqué les syndicats à l'issue d'une ultime séance de concertation avec le ministère du Travail ce mardi.

Quel sera la calendrier, pour quelles mesures et quelles cibles?

•1er juillet: allocations à la baisse pour certains chômeurs

La disposition la plus contestée par les syndicats, la modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR, base de l'allocation), entrera en vigueur. 40% des bénéficiaires seraient touchés selon les calculs de l'Unedic.

Le calcul sera moins favorable aux demandeurs d'emploi qui alternent régulièrement périodes de chômage et d'activité. Un "enjeu d'équité" pour l'exécutif car actuellement le système est plus favorable à ceux qui alternent contrats courts et inactivité qu'à ceux qui travaillent en continu.

Pour les plus précaires, un plancher a été introduit (le nombre de jours non travaillés pris en compte sera limité).

Le ministère reconnaît que plus de 800.000 futurs chômeurs (les droits acquis avant le 1er juillet ne sont pas remis en cause) auront une indemnisation mensuelle inférieure -en moyenne de plus de 20% selon l'Unédic -à ce qu'ils auraient touché avec les règles actuelles.

Mais il estime que les demandeurs d'emploi vont être concernés "progressivement" au fur et à mesure des fins de contrat et que "les droits ne sont pas diminués" car ils sont ouverts "plus longtemps". En clair, le capital reste le même mais étalé dans le temps.

Sur BFMTV, Elisabeth Borne, la ministre du Travail confirmait il y a quelques jours cette approche.

"Il faut être conscient que dans le système actuel, vous avez peut-être des allocations plus élevées mais comme le capital est le même, vous les avez pendant moins longtemps, est-ce que c'est mieux, dans la conjoncture actuelle, que d'avoir une allocation un peu plus basse pendant plus longtemps. Moi je ne pense pas".

Mais une partie des chômeurs retrouvent un travail avant d'avoir consommé tous leurs droits (selon l'Unédic, en 2019 "les allocataires consomment 68% de leurs droits en moyenne, soit 10 mois"). La baisse du SJR réduit aussi la possibilité de cumuler un revenu d'activité avec une allocation, permettant au final de réaliser près d'un milliard d'économies par an.

•Fin octobre: début possible du durcissement

Le durcissement d'une partie de la réforme est soumis à une clause de "retour à meilleure fortune".

La durée requise pour ouvrir des droits passera de 4 à 6 mois de travail sur les 24 derniers (augmentés d'une période de neutralisation liée aux confinements). La dégressivité de l'allocation pour les hautes rémunérations (plus de 4.500 euros mensuels brut pour les moins de 57 ans) interviendra au 9e mois à partir du 1er juillet, délai ensuite ramené au 7e mois.

A partir d'avril, deux indicateurs seront mesurés: il faudra qu'il y ait à la fois une baisse du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A de 130.000 sur six mois et 2,7 millions d'embauches de plus d'un mois en cumul sur quatre mois.

Le durcissement ne pourra donc être décidé qu'au plus tôt fin octobre, si les indicateurs sont au vert.

"Ca me paraît logique qu'on tienne compte du marché du travail pour définir les règles de l'assurance chômage. Quand le marché du travail est plus dynamique, on peut considérer que c'est logique que les règles ne soient pas les mêmes que quand la situation est dégradée. C'est bien la logique qu'on a proposée aux partenaires sociaux.", expliquait Elisabeth Borne sur BFMTV ce dimanche.

•Septembre 2022: application effective du bonus malus

C'est la seule mesure validée par les syndicats. La réforme crée un "bonus-malus" sur la cotisation d'assurance-chômage payée par les entreprises de plus de 11 salariés dans sept secteurs grands consommateurs de contrats courts ou précaires (hébergement-restauration, agroalimentaire, transports...).

Pour elles, on calculera sur une année de référence le nombre de fins de contrats - CDI, CDD ou intérim - divisé par leur effectif. En fonction de la comparaison avec le taux médian du secteur, l'entreprise verra alors sa cotisation varier entre 3 et 5,05% de sa masse salariale, contre un taux de 4,05% aujourd'hui.

La première année de référence commencera le 1er juillet 2021 pour une application sur les cotisations à partir de septembre 2022. Certains secteurs particulièrement touchés par la crise, comme l'hôtellerie-restauration, seront dans un premier temps exemptés.

Les syndicats craignent néanmoins que le bonus-malus ne survive pas à la nouvelle négociation sociale qui devrait démarrer à l'été 2022.

•Cette réforme peut-elle être encore repoussée?

La situation épidémique (et donc économique) fera office de juge de paix. Le gouvernement a déjà repoussé plusieurs fois sa mise en application et cela pourra être encore le cas avant juillet.

Du côté des syndicats, on ne se fait pas beaucoup d'illusions. "Les marges de manoeuvre sont proches de zéro. C'est plié, Élisabeth Borne a adouci ce qu'elle pouvait mais elle a hérité d'une réforme aberrante" a ainsi déclaré à l'AFP Jean-François Foucard de la CFE-CGC.

Pour autant, les centrales syndicales réunies dans la même opposition envisagent d'attaquer le décret, qui sera publié d'ici fin mars, devant le Conseil d'État. Celui-ci avait annulé fin novembre le nouveau mode de calcul de l'allocation, jugeant qu'il créait des disparités "disproportionnées" entre allocataires, "du simple au quadruple" en fonction de la répartition des périodes d'emploi pour un volume identique de travail. Un écart aujourd'hui réduit avec la mise en place d'un plancher.

Olivier Chicheportiche avec AFP