"Un risque de "déseuropéanisation" et de privatisation de la monnaie": François Villeroy de Galhau fustige les stablecoins adossés au dollar

Le gouverneur de la Banque de France s'est dit inquiet à propos du développement des stablecoins adossés au dollar, encouragés par l'administration Trump.

Alors que la Société Générale a annoncé le lancement de son stablecoin adossé au dollar, devenant la première banque au monde à œuvrer dans ce domaine, la Banque de France continue de bouder cette nouvelle classe d'actifs.

Lors d'un discours prononcé dans le cadre de la conférence financière Paris Finance Forum ce mardi 10 juin, François Villeroy de Galhau, s'est dit inquiet à propos du développement des stablecoins, "le plus souvent adossés au dollar et fortement encouragés par la nouvelle administration américaine", estimant qu'ils posent "un risque sérieux de 'déseuropéanisation' et de privatisation de la monnaie".

"Ils n’ont pas encore à ce jour de cadre fédéral robuste aux États-Unis et exposent leurs utilisateurs et le système financier à de nombreux risques", a estimé le gouverneur de la Banque de France.

Pour rappel, un stablecoin (ou cryptomonnaie stable) est une cryptomonnaie adossée à une monnaie fidiciaire comme l'euro ou le dollar. Aujourd’hui, deux stablecoins américains dominent le marché, l'USDT de Tether qui pèse 155 milliards de dollars et l'USDC de Circle avec 60 milliards de dollars.

Depuis son élection, Donald Trump veut faire émerger de nombreux stablecoins adossés au dollar pour tirer le dollar vers le haut. Les Etats-Unis avancent ainsi à l'élaboration d'une règlementation des stablecoins d'ici à l'été, le Sénat américain ayant récemment voté en faveur d'un projet de loi en ce sens.

"Billet numérique"

Face "au développement rapide" des stablecoins dollar, le gouverneur de la Banque de France a vanté l’euro numérique, "qui permet de maintenir le rôle clé de la monnaie centrale dans l’espace numérique" et dont la mise en oeuvre devrait être officialisée d'ici fin 2025.

"Ce "billet numérique" réduira aussi notre dépendance aux réseaux internationaux, qui représentent 66% des paiements par carte en zone euro. Sa distribution s’appuiera sur un 'partenariat public-privé' avec les banques commerciales, fondé sur un modèle économique équilibré" a déclaré François Villeroy de Galhau.

Plus surprenant cependant, le gouverneur de la Banque de France a évoqué l'émergence d'alternatives en euros à la finance traditionnelle, à l'instar de stablecoins en euro ou de dépôts tokenisés, méritant "un intérêt renforcé, y compris dans la perspective des usages transfrontières".

Les stablecoins captent de plus en plus l'intérêt des investisseurs. La capitalisation de ce marché dépasse ce mardi 10 juin les 254 milliards de dollars, selon CoinGecko. L'on constate un rôle croissant de ces cryptos dans de nombreux domaines, pour réaliser des paiements dans la vie quotidienne ou des opérations dans la finance décentralisée (DeFi) qui elle aussi, monte en puissance. De plus en plus de sociétés tech envisagent de permettrent des paiements en stablecoins à leurs clients, de X (ex Twitter), en passant par Apple et plus récemment Uber.

Pauline Armandet