Élection américaine: les cryptos coulent à flot pour les candidats… qui les défendent

L'industrie des cryptomonnaies tente elle aussi de se faire entendre et de peser sur les résultats de l’élection présidentielle américaine. Et cela passe par le billet vert. Les dons provenant de ce secteur ont ainsi atteint environ 204 millions de dollars sur les neuf premiers mois de l'année, selon les données de la FEC (Federal Election Commission). Soit déjà plus du double que lors de la précédente élection.
Ce montant dépasse en effet largement celui des donations pour l'élection américaine de 2020. À l'époque, 83 millions de dollars avaient été récoltés par le secteur pour soutenir les candidats pro-cryptos.
"Près de la moitié de tous les dons"
Un rapport de Public Citizen en août avait révélé que les sociétés de cryptographie représentaient "près de la moitié de tous les dons effectués par les entreprises au cours de ce cycle électoral". Selon ce rapport, le secteur des cryptos est désormais le deuxième plus gros donateur politique, juste derrière le secteur des combustibles fossiles, qui a donné jusqu'ici un peu plus de 210 millions de dollars, selon Open Secrets.
Fairshake par exemple, le groupement pro-cryptos indépendant le plus important à l’heure actuelle, a été le plus gros dépensier du secteur au cours de la campagne électorale. Il a récolté plus de 200 millions de dollars pour soutenir des candidats pro-cryptos à la Chambre des représentants. L’objectif: implanter des parlementaires favorables aux cryptos durant le prochain mandat.
Des dépenses pour soutenir les candidats pro-cryptos
Depuis janvier 2023, Fairshake a transféré 86 millions de dollars à des comités affiliés et a dépensé plus de 45 millions de dollars pour "ses dépenses quotidiennes", qui correspondent aux frais généraux (loyers, équipements, voyages etc.) mais aussi à la publicité et la collecte de fonds. Fairshake a encore distribué plus de 29 millions de dollars en septembre, selon les données de la commission électorale fédérale, publiées le 20 octobre dernier.
Dans le détail, il a notamment fait un don de 1,9 million de dollars à Mary Peltola, membre du Parti Démocrate, et représentante de l’Alaska à la Chambre des Représentants, ou encore un don de 1,5 million de dollars à Lori Chavez-DeRemer, membre du Parti Républicain, et représentante de l’Oregon à la Chambre des Représentants. Ces deux femmes politiques avaient annoncé dans leur programme soutenir l’industrie des nouvelles technologies et des cryptomonnaies.
Un autre groupe d'intérêts, "Club for Growth Action", a récolté 86 millions de dollars et en a déjà dépensé 80 millions pour la campagne américaine. Il a notamment fait un don de 2,5 millions de dollars à Bernie Moreno, candidat Républicain dans l’Ohio et proche du fils de l'ancien président Donald Trump Jr., ou encore un don de 1,2 million de dollars pour soutenir Bob Onder, candidat Républicain dans le Missouri. Ces deux politiciens avaient également annoncé publiquement soutenir les cryptomonnaies.
Des dépenses contre des candidats
Fairshake a aussi dépensé 10 millions de dollars pour faire de la mauvaise publicité à Katie Porter, candidate démocrate au Sénat en Californie et connue pour sa position contre l'industrie crypto aux Etats-Unis. Le porte-parole de Fairshake avait déclaré qu’il veillait "à ce que les 8 millions de propriétaires de cryptomonnaies en Californie, qui sont en grande partie des jeunes électeurs qui soutiennent les démocrates, soient conscients de son hostilité à l’égard de cette technologie et de la façon dont cela nuirait aux emplois américains".
Le groupe pro-cryptos a également dépensé 1,4 million de dollars pour s’opposer à Cori Bush, qui a voté plusieurs lois anti-cryptos au Congrès américain. Plus de 2 millions de dollars ont également été dépensés pour s’opposer à Jamaal Bowman, qui a également voté contre plusieurs propositions de loi visant à favoriser les cryptomonnaies.
Les grands patrons du secteur financent aussi ces groupes de soutien
En juin dernier, Coinbase, une des plus grandes plateformes d’échanges de cryptos au niveau mondial, a fait don de 25 millions de dollars au groupement d’intérêts Fairshake.
Chris Larsen, cofondateur et président exécutif de Ripple (7e plus grosse cryptomonnaie en termes de capitalisation), a déclaré le 21 octobre dernier qu'il avait donné 10 millions de dollars en jeton XRP, (lié à la cryptomonnaie Ripple), pour supporter la vice-présidente Kamala Harris.
Les fondateurs d'Andreessen Horowitz, Marc Andreessen et Ben Horowitz, ont donné de leur côté 11 millions de dollars chacun pour promouvoir les cryptomonnaies, Cameron et Tyler Winklevoss, fondateurs de la plateforme d’échanges de cryptomonnaies Gemini, ont chacun donné 5 millions de dollars aux Républicains et le PDG de Coinbase, Brian Armstrong, a donné personnellement 1 million de dollars aux Démocrates.
Les super PAC (pour "Political action committees") sont des organismes indépendants des partis (contrairement aux "simples" PAC) et qui reçoivent des dons de particuliers et d'entreprises en vue de la campagne présidentielle. Les dons provenant de l'industrie crypto ont justement essentiellement alimenté des super PAC.
Retournement de veste pour Donald Trump, prise de position officielle pour Kamala Harris
Lors des dernières élections de 2020, aucun des deux partis (Démocrates et Républicains) n’avait évoqué les cryptomonnaies. Donald Trump avait écrit sur X (ex-Twitter) en 2019 qu'il "n'était pas un fan de Bitcoin et des autres cryptomonnaies, que cela n’était pas de l'argent, et dont la valeur est très volatile et basée sur du vent". En 2021, il avait récidivé en déclarant à la chaîne de télévision américaine Fox que le bitcoin "semblait tout simplement être une escroquerie", et "potentiellement un désastre qui allait se produire".
De son côté, Kamala Harris n'avait, encore deux mois avant l’élection, toujours pas fait part de sa position en matière de cryptomonnaies mais son parti est vivement critiqué par les détenteurs de cryptomonnaies, notamment à cause de Gary Gensler, président démocrate de la SEC (gendarme boursier américain), qui affiche depuis longtemps une position anti-crypto. Donald Trump avait d'ailleurs annoncé, lors de la Bitcoin Conference en juillet dernier, vouloir virer Gary Gensler s'il arrivait au pouvoir.
Kamala Harris a depuis déployé une sorte d'équipe de sensibilisation auprès des détenteurs de cryptomonnaies et a demandé de l'aide à l'investisseur Mark Cuban pour les courtiser. La candidate démocrate a même annoncé vouloir "protéger les investissements en cryptomonnaies des hommes noirs".
Certaines critiques ont toutefois été émises envers les deux candidats, soupçonnant Kamala Harris et Donald Trump de ne pas vraiment comprendre ce secteur et de se positionner sur le sujet uniquement à des fins électorales. Plus de 50 millions d’Américains détiendraient des cryptomonnaies, selon un rapport de Triple A, publié en mai dernier. Et 50 millions… C’est une part non négligeable de l'électorat américain.